À l’approche des élections législatives des 30 juin et 7 juillet prochains, c’est une tribune peu commune qui a été publiée ce lundi. Des grands patrons de la région Hauts-de-France, emmenés par l’influente famille Mulliez – à la tête d’un empire comprenant Auchan, Leroy Merlin ou encore Decathlon – ont pris la plume pour exhorter les Français à la “responsabilité” dans les urnes. Leur message : soutenez les candidats porteurs de “confiance, de coopération et de responsabilité” pour préserver la “stabilité” économique du pays.
Les risques d’alliances “paradoxales” pointés du doigt
Selon les signataires de la tribune, transmise à l’AFP, “les risques engendrés par les élections législatives sont considérables”. Sans nommer de partis, ils déplorent les “alliances politiques de circonstance qui disent vouloir renforcer la souveraineté française tout en annonçant dans leurs programmes paradoxaux la surcharge des entreprises”. Plusieurs propositions sont épinglées comme problématiques :
- l’abaissement de l’âge de la retraite
- l’indexation des salaires sur l’inflation
- le blocage des prix des biens de première nécessité
- la sortie des traités de libre-échange
- la taxation du capital
- la mise en œuvre de politiques migratoires très restrictives
Autant de mesures qui, selon eux, risqueraient de déstabiliser une économie française déjà fragilisée. Car comme ils le soulignent, “pour se développer et créer de la richesse, une entreprise a besoin de stabilité, d’avoir foi en l’avenir”.
La famille Mulliez en première ligne
La tribune est signée en premier lieu par l’Association Familiale Mulliez (AFM), véritable institution dans le nord de la France. Cette galaxie familiale de près de 900 personnes pèse plus de 100 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel et emploie 650 000 personnes dans le monde à travers quelque 130 enseignes.
Parmi les plus connues : Auchan bien sûr, mais aussi Decathlon, Leroy-Merlin, Kiabi, Jules, Boulanger, Saint Maclou, Flunch, Electro Depot… Avec une fortune estimée à 20 milliards d’euros, la famille Mulliez pointait en 2023 au huitième rang des plus grandes fortunes françaises selon le magazine Challenges.
Le spectre du “Nouveau Front populaire”
Si la tribune ne cite aucun parti, difficile de ne pas y voir une critique des programmes de la NUPES et du Rassemblement National. Les propositions épinglées font en effet écho à celles portées par ces formations durant la campagne présidentielle de 2022.
“Les programmes du RN et du nouveau Front populaire sont dangereux pour l’économie.”
Patrick Martin, président du Medef, en mai dernier
Un constat partagé par le président du Medef Patrick Martin qui, le mois dernier, jugeait “dangereux pour l’économie” les programmes du RN et de ce qu’il qualifiait de “nouveau Front populaire”, en référence à la NUPES. Pour lui comme pour les patrons signataires, l’urgence est d’éviter une nouvelle poussée des extrêmes aux législatives, deux ans après la percée surprise de la NUPES et du RN à l’Assemblée nationale.
Les leçons de 2022
En 2022, ces élections avaient en effet débouché sur une Assemblée nationale sans majorité absolue, obligeant le camp présidentiel à composer avec les oppositions pour faire adopter ses textes. Un big bang que les macronistes espèrent bien ne pas revivre, et surtout pas amplifier, en 2024.
Mais les derniers sondages ne sont guère rassurants pour le pouvoir en place : ils prédisent un nouveau duel serré entre la majorité présidentielle, la NUPES et le RN, aucun de ces blocs ne semblant en mesure d’atteindre la majorité absolue des sièges. Un scénario catastrophe pour les milieux économiques qui redoutent plus que tout l’instabilité et l’imprévisibilité.
L’appel à la “responsabilité” des électeurs
C’est donc un véritable appel aux électeurs que lancent les patrons des Hauts-de-France à un peu plus de deux semaines du premier tour des législatives. En plaidant pour un vote “de confiance, de coopération et de responsabilité”, ils espèrent prévenir une nouvelle poussée des oppositions les plus radicales à l’Assemblée.
“Nous appelons les citoyens à soutenir les candidats qui portent des messages de confiance, de coopération et de responsabilité.”
Les signataires de la tribune
Un appel qui résonne comme un soutien implicite à la majorité présidentielle, seule en mesure selon eux de garantir la “stabilité” dont les entreprises ont besoin. Reste à savoir si les électeurs seront sensibles à cet appel du pied des milieux économiques, ou s’ils préfèreront envoyer un nouveau message de défiance dans les urnes les 30 juin et 7 juillet prochains.