En coulisses de ces législatives surprises dont le premier tour se tient dimanche, un enjeu crucial se joue : le nerf de la guerre, l’argent. Si les montants en jeu sont sans commune mesure avec la présidentielle, le financement de la campagne des candidats à la députation n’en demeure pas moins un casse-tête, en particulier avec la précipitation des alliances de dernière minute. Zoom sur les dessous financiers de ce scrutin.
Un budget serré et des dépenses plafonnées
Pour briguer un siège à l’Assemblée nationale, les aspirants députés disposent d’un budget contraint. Les dépenses sont plafonnées à 38 000 euros, auxquels s’ajoutent 0,15 euro par habitant de la circonscription. Ce budget doit couvrir l’impression des tracts, affiches et bulletins officiels, mais aussi les réunions publiques et clips de campagne.
L’État rembourse certains frais, comme ceux liés à la propagande officielle, ainsi qu’un forfait de 47,5% du plafond, mais à condition d’obtenir au moins 5% des voix au premier tour. Un seuil qui oblige les candidats à avancer les fonds.
Apport personnel, dons et emprunts
Pour réunir les ressources nécessaires dans un temps record, trois options s’offrent aux candidats :
- L’apport personnel, souvent financé par un prêt bancaire
- Les dons de particuliers, plafonnés à 4600 euros par personne
- Les contributions des partis, elles aussi limitées
Mais décrocher un prêt n’est pas toujours simple. Certaines banques se montrent frileuses, en particulier avec les “petits” candidats ou ceux aux positions clivantes. Un obstacle qui avait conduit le RN à se tourner vers des établissements russes en 2017.
L’épineuse question des alliances
Cette année, la donne est encore compliquée par les alliances nouées in extremis, parfois localement. Comment mutualiser les dépenses de campagne entre des candidats hier encore concurrents ? Quid du financement des seconds tours avec des réserves de voix ? Autant de questions qui agitent les backrooms de cette campagne éclair.
On a dû revoir notre budget et nos commandes au dernier moment, c’est un vrai casse-tête. Entre les désistements, les listes communes… Rien n’était anticipé !
confie un directeur de campagne sous couvert d’anonymat
Si les partis assurent prendre en charge une partie des surcoûts, beaucoup appellent à un assouplissement des règles pour ce scrutin exceptionnel. Des tractations discrètes auraient lieu avec le ministère de l’Intérieur pour obtenir plus de latitude dans la prise en compte des dépenses.
Vers une réforme du financement des campagnes ?
Au-delà de ces législatives atypiques, la question du financement de la vie politique revient sur le devant de la scène. Beaucoup jugent les règles actuelles trop rigides et les plafonds trop bas, fermant de fait la porte aux candidatures de citoyens. À l’inverse, d’autres pointent les dérives d’un système reposant trop sur l’endettement auprès des banques.
Une chose est sûre, le sujet devrait animer les premiers mois de la nouvelle assemblée, quelle que soit sa composition. Avec, espérons-le, un vrai débat sur les moyens de concilier sincérité des scrutins, égalité des candidats et pluralisme démocratique. Les législatives 2024 pourraient être le laboratoire de cette nécessaire réforme.