La mort, cet ultime rendez-vous, a toujours fasciné les écrivains. Mais lorsque ce sont eux qui tirent leur révérence, leur disparition soulève bien des questions. Accident, maladie, suicide… La façon dont un auteur quitte ce monde en dit long sur sa vie et son œuvre. Comme si, dans un dernier souffle, il livrait ses ultimes secrets.
Quand le destin bascule
Nombreux sont les écrivains dont la mort a marqué les esprits. Camus, foudroyé dans un accident de voiture. Hemingway, emporté par une balle dans la tête. Kafka, terrassé par la tuberculose. Autant de destins singuliers qui ont nourri le mythe de l’écrivain maudit.
L’accident, pour nous, ce serait de mourir dans un lit.
– Jean Mermoz, aviateur et écrivain
Mais au-delà du tragique, ces morts en disent long sur la psyché de leurs auteurs. Le suicide d’Hemingway, rongé par la dépression et l’alcool, éclaire d’un jour nouveau ses œuvres empreintes de désespoir et de violence. La mort prématurée de Kafka fait écho à l’angoisse existentielle qui traverse ses écrits.
Des fins mystérieuses
Certaines morts d’écrivains restent entourées de mystère. C’est le cas d’Edgar Allan Poe, retrouvé délirant dans une rue de Baltimore. Malgré les nombreuses hypothèses – coma éthylique, rage, empoisonnement – les circonstances exactes de sa mort demeurent inconnues. Une fin aussi énigmatique que son œuvre, peuplée de morts-vivants et de crimes inexpliqués.
Même constat pour Pouchkine, tué en duel à l’âge de 37 ans. Si l’identité de son meurtrier est connue, les raisons profondes de cet affrontement restent obscures. Seule certitude, cette mort tragique et précoce a contribué à faire du poète russe une figure légendaire, auréolée de romantisme.
L’œuvre au-delà de la mort
La mort d’un écrivain marque rarement la fin de son œuvre. Au contraire, elle lui offre souvent une seconde vie. Stendhal et Proust, méconnus de leur vivant, accèdent à la postérité après leur disparition. Kafka confie à son ami Max Brod le soin de brûler ses manuscrits ; ce dernier choisit de lui désobéir, révélant au monde un génie incompris.
Tout écrivain sait que sa mort est appelée à devenir l’une des pièces maîtresses de sa propre légende.
– Frédéric Rouvillois et Sophie Vanden Abeele-Marchal
Parfois, c’est l’œuvre elle-même qui semble annoncer la mort de son créateur. Nerval s’éteint peu après avoir achevé Aurélia, récit d’une descente aux enfers. Woolf se jette dans une rivière, comme la protagoniste de La Promenade au phare. Autant de troublantes coïncidences qui invitent à relire les textes à la lumière de l’ultime destin de leurs auteurs.
Mourir pour renaître
En disparaissant, l’écrivain laisse derrière lui une part de mystère. Son œuvre, désormais figée, s’ouvre à toutes les interprétations. Chaque lecteur peut y projeter ses propres questionnements, ses propres fantasmes. La mort, paradoxalement, offre à l’auteur une forme d’immortalité.
Elle le fige également dans notre mémoire à l’âge de sa disparition. Rimbaud poète adolescent, Radiguet mort à 20 ans… Leur jeunesse éternelle nourrit leur mythe et sublime leur talent précoce. Comme si leur œuvre, à l’image de leur existence, était vouée à rester éternellement inachevée.
Accident, suicide, maladie… Si la mort est une, les fins d’écrivains sont multiples. Brutale ou douce, prématurée ou attendue, la disparition de l’auteur éclaire toujours son œuvre d’un jour nouveau. Comme un ultime secret qu’il livrerait depuis l’au-delà, pour mieux laisser sa vie et ses écrits ouverts à tous les possibles.