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Les conséquences de la chute d’Assad en Syrie

Le renversement de Bachar al-Assad ouvre une nouvelle ère en Syrie. Entre intensification des frappes américaines contre l'EI et risque accru de liberté de mouvement pour les jihadistes, quelles seront les conséquences de ce bouleversement ? Une analyse des enjeux sécuritaires et politiques.

La chute de Bachar al-Assad, après 13 ans d’une guerre civile dévastatrice, marque un tournant majeur pour la Syrie. Si ce bouleversement ouvre de nouvelles perspectives pour la coalition internationale menée par les États-Unis dans sa lutte contre l’État islamique, il fait aussi planer le spectre d’une instabilité accrue dont pourraient profiter les jihadistes. Quelles seront les implications sécuritaires et politiques de ce nouveau chapitre de l’histoire syrienne ?

Une fenêtre d’opportunité pour intensifier les frappes contre l’EI

Selon le Commandement militaire américain pour le Moyen-Orient (Centcom), la chute du régime syrien ouvre la voie à une intensification des frappes aériennes contre les positions de l’État islamique. Dans les heures qui ont suivi la prise de Damas par les rebelles le 8 décembre, les États-Unis ont ainsi annoncé avoir ciblé plus de 75 sites de l’EI. Comme l’explique le porte-parole du Pentagone, le général Pat Ryder, l’effondrement des défenses aériennes syriennes et russes rend désormais l’environnement beaucoup plus « permissif » pour les opérations américaines.

Cette nouvelle donne pourrait permettre de porter des coups plus sévères à l’organisation jihadiste, affaiblie mais toujours active dans la région. Cependant, certains experts mettent en garde contre les risques d’un « chaos post-Assad » dont l’EI pourrait chercher à tirer profit.

Des jihadistes plus libres de leurs mouvements ?

Paradoxalement, la disparition du verrou Assad pourrait aussi offrir à l’État islamique une plus grande marge de manœuvre, en l’absence d’un pouvoir fort à Damas. Comme le souligne Raphaël Cohen, politologue à la RAND Corporation :

Les groupes terroristes comme l’EI aiment les vides de pouvoir et il y a donc un risque que l’EI puisse exploiter le chaos d’une Syrie post-Assad pour refaire surface de manière encore plus importante.

Ce risque est d’autant plus préoccupant que les Forces démocratiques syriennes (FDS), alliées kurdes de Washington, pourraient être contraintes de redéployer une partie de leurs troupes face à la menace turque, au détriment de la lutte anti-EI. Une source proche du dossier craint également que les FDS, sous pression, ne finissent par relâcher certains des milliers de jihadistes qu’elles détiennent, avec des conséquences potentiellement désastreuses.

Quel engagement américain en Syrie après Assad ?

L’autre grande inconnue concerne la pérennité de la présence militaire américaine dans la région après la chute d’Assad. Si près d’un millier de soldats américains sont actuellement déployés dans l’est de la Syrie dans le cadre de la coalition anti-EI, l’arrivée au pouvoir de Donald Trump pourrait rebattre les cartes. Lors de son premier mandat, le président américain avait déjà exprimé sa volonté de désengager les États-Unis du bourbier syrien. Selon Raphaël Cohen :

Je peux facilement imaginer que lors de son deuxième mandat, Trump fasse un nouvel effort en ce sens. D’autant plus qu’Assad n’est plus là.

Un retrait, même partiel, des troupes américaines laisserait le champ encore plus libre aux jihadistes, mais aussi à l’influence de puissances régionales comme la Turquie ou l’Iran. La stratégie antiterroriste des États-Unis pourrait s’en trouver profondément modifiée.

Une Syrie fragmentée dominée par les islamistes

L’effondrement du régime Assad laisse enfin présager une recomposition profonde et potentiellement chaotique du paysage politique et sécuritaire syrien. A l’heure actuelle, les nouvelles autorités de Damas sont dominées par des groupes islamistes radicaux, faisant craindre une dérive théocratique dans ce pays multiethnique et multiconfessionnel. Si les nouveaux dirigeants s’efforcent de rassurer la communauté internationale quant à leur capacité à stabiliser et pacifier la Syrie, une source diplomatique occidentale juge la situation « très préoccupante ».

Entre intensification de la lutte anti-EI, risque de dispersion des jihadistes, incertitude sur l’avenir de la présence américaine et spectre d’une mainmise islamiste sur Damas, la chute de Bachar al-Assad ouvre une nouvelle page, riche en défis, de la tragédie syrienne. La communauté internationale, États-Unis en tête, va devoir repenser son approche pour éviter que le chaos post-Assad ne se transforme en aubaine pour les va-t-en-guerre de l’État islamique.

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