Depuis son arrivée à Matignon, François Bayrou multiplie les gestes envers la gauche, espérant s’attirer les bonnes grâces des socialistes pour éviter une motion de censure. Mais cette stratégie place les ministres Les Républicains (LR) dans une position de plus en plus délicate, tiraillés entre le sens des responsabilités et des concessions qu’ils jugent excessives.
Un tango à gauche qui agace la droite
Selon des sources proches du gouvernement, les manœuvres de François Bayrou pour contourner une potentielle censure en courtisant le PS sont vues d’un très mauvais œil par la droite. Les ministres issus de LR, qui avaient accepté de participer à ce gouvernement au nom de l’intérêt supérieur dans un contexte budgétaire tendu, se retrouvent dans une position inconfortable.
Ils craignent que les compromis accordés à la gauche ne viennent aggraver le déséquilibre déjà inquiétant des finances publiques. Pour ces élus de droite, il devient de plus en plus difficile d’assumer un soutien à l’exécutif si celui-ci s’éloigne des promesses de maîtrise budgétaire. Le coût politique de la non-censure atteindrait ses limites.
L’avertissement musclé de Wauquiez
Laurent Wauquiez, président de LR, avait d’ailleurs mis en garde Matignon en amont de la déclaration de politique générale. Lors de discussions avec le ministre de l’Économie Éric Lombard, il aurait affirmé sans ambages :
Nous n’avons pas la même hiérarchie de priorité. Mon sujet, c’est d’avoir un budget adapté à un pays qui est ruiné, pas de savoir comment acheter une poignée de voix à l’Assemblée.
Un rappel à l’ordre qui en dit long sur l’état d’esprit d’une droite de plus en plus sceptique quant à la ligne politique de François Bayrou, alors que le spectre d’un dérapage budgétaire se fait plus pressant.
Les ministres LR pris en tenaille
Pour les ministres LR, l’équation devient cornélienne. S’ils soutiennent aveuglément la ligne Bayrou, ils prennent le risque de se déjuger et de perdre leur crédibilité auprès de leur électorat. Mais claquer la porte du gouvernement serait vu comme une démission face aux responsabilités dans une période charnière.
Selon un proche d’un ministre LR, la pression monte en interne :
On ne peut pas cautionner une politique qui va à l’encontre de nos valeurs et de l’intérêt du pays. Il va falloir recadrer les choses ou bien poser les questions qui dérangent.
François Bayrou joue un jeu dangereux. En tentant de amadouer la gauche pour sauver son poste, il prend le risque de perdre le précieux soutien de la droite, pourtant indispensable à sa survie politique. Les prochaines semaines s’annoncent décisives.
L’hypothèse d’un remaniement
Selon certaines indiscrétions, l’hypothèse d’un remaniement gouvernemental pour recentrer la ligne politique et rassurer la droite n’est pas à exclure si les tensions persistent. François Bayrou devra faire preuve de souplesse et de fermeté pour garder l’équilibre, tel un funambule sur le fil du rasoir politique.
Les prochains arbitrages budgétaires et les signaux envoyés sur des réformes phares comme les retraites seront scrutés de près. Les ministres LR attendent des gages concrets. À défaut, leur participation à ce gouvernement hétéroclite pourrait rapidement être remise en question, fragilisant encore plus un exécutif déjà ébranlé.
Un test pour la cohésion de la droite
Au-delà du cas Bayrou, c’est la cohésion de la droite qui est en jeu. Entre les tenants d’une ligne ferme sur les questions régaliennes et budgétaires, et ceux prêts à des compromis pour peser dans la balance, LR avance en ordre dispersé.
Selon un député LR, la crédibilité du parti pourrait en pâtir :
On ne peut pas tenir un discours dans l’opposition et son contraire au gouvernement. Il faut une ligne claire. Soit on assume d’être la jambe droite de Bayrou, avec les risques que cela comporte, soit on porte une alternative cohérente.
Des interrogations lourdes de sens à l’approche d’échéances électorales majeures. La droite parviendra-t-elle à parler d’une seule voix ? Rien n’est moins sûr. Et François Bayrou pourrait bien en faire les frais, pris au piège de ses propres manœuvres politiques.
Les incertitudes politiques demeurent
Une chose est certaine : les prochains mois seront décisifs pour l’avenir de ce gouvernement atypique dirigé par François Bayrou. Les équilibres sont plus que jamais précaires et la moindre étincelle pourrait bien mettre le feu aux poudres.
Entre une gauche qui entend bien monnayer son soutien, une droite de plus en plus méfiante et des partenaires sociaux en embuscade, le premier ministre marche sur des œufs. Un faux pas et c’est tout le château de cartes qui pourrait s’effondrer, replongeant la France dans une crise politique dont elle se serait bien passée.
Les concessions de François Bayrou à la gauche étaient peut-être nécessaires pour sa survie politique à court terme. Mais à trop vouloir ménager la chèvre et le chou, il prend le risque de se mettre tout le monde à dos. Un pari risqué dont il n’est pas certain de sortir gagnant.
