Dans l’angoisse et l’incertitude, les chrétiens de Syrie, dépositaires de 2000 ans d’histoire, s’interrogent sur leur avenir dans un pays déchiré. Eux qui formaient 10% de la population syrienne avant l’invasion américano-britannique de l’Irak en 2003, ont vu leur nombre divisé par deux, voire davantage, depuis lors. Sous la menace grandissante des persécutions islamistes et face à un appauvrissement dramatique, beaucoup n’ont d’autre choix que l’exil, mettant en péril une présence chrétienne pourtant enracinée aux origines même du christianisme.
Une terre sainte pour les chrétiens
Pour les chrétiens, la Syrie fait partie intégrante de la Terre Sainte au sens large. C’est dans cette région que Jésus et ses disciples ont vécu et que la foi chrétienne est née. Damas, la capitale, est particulièrement liée à la figure de Saint Paul. Selon les Actes des Apôtres, ce juif originaire de Tarse s’était d’abord acharné à persécuter les premiers chrétiens, avant de connaître sur la route de Damas une conversion spectaculaire qui fera de lui l’un des principaux artisans de la diffusion du christianisme.
Mais au-delà de ces racines spirituelles, c’est toute une histoire riche et ancienne que les chrétiens de Syrie portent en héritage. Depuis l’Antiquité, en passant par les empires byzantin et ottoman, ils n’ont cessé de jouer un rôle de premier plan dans le pays, contribuant activement à sa vie intellectuelle, culturelle, économique et même politique.
Des communautés autrefois florissantes
Avant le chaos actuel, les différentes Églises chrétiennes – orthodoxes, catholiques, assyro-chaldéennes – formaient des communautés prospères et dynamiques. Présents dans toutes les couches de la société syrienne, les chrétiens excellaient notamment dans les domaines de l’éducation et de la santé. Leurs établissements étaient réputés dans tout le pays.
Mais en l’espace de quelques années, sous l’effet de la guerre et de la montée de l’islamisme radical, cette présence autrefois si visible s’est considérablement réduite. De nombreux lieux de culte ont été détruits ou endommagés, des quartiers entiers se sont vidés de leurs habitants chrétiens.
Avant 2011, Alep comptait 150 000 chrétiens. Aujourd’hui, ils ne sont plus que 30 000.
D’après une source proche de l’Église
Entre persécutions et paupérisation, l’exode forcé
Si les chrétiens de Syrie ont toujours su s’adapter et résister aux aléas de l’Histoire, la situation actuelle représente un défi existentiel sans précédent. Pris entre les feux des différentes factions en guerre, ils sont devenus des cibles privilégiées des groupes islamistes qui voient en eux des « mécréants » et des « collaborateurs de l’Occident ». Enlèvements, assassinats, conversions forcées : les exactions se multiplient, poussant toujours plus de familles à l’exil.
À cette menace physique s’ajoute une paupérisation grandissante. Avec l’effondrement de l’économie syrienne, beaucoup de chrétiens ont perdu leur travail et leurs biens. Partir devient alors la seule option pour survivre et offrir un avenir à leurs enfants. Un choix déchirant qui sonne comme un arrachement.
Un patrimoine spirituel et culturel en danger
Au-delà du drame humain, c’est tout un pan de l’histoire du christianisme qui risque de sombrer dans l’oubli. Villages autrefois majoritairement chrétiens, monastères séculaires, églises anciennes, manuscrits précieux, traditions uniques : autant de trésors spirituels et culturels aujourd’hui menacés de disparition.
Conscientes de l’enjeu, les Églises locales multiplient les appels à l’aide à la communauté internationale. Elles plaident pour un soutien accru aux populations chrétiennes déplacées à l’intérieur de la Syrie, mais aussi pour la préservation de ce patrimoine inestimable. Un combat de chaque instant pour sauver ce qui peut encore l’être et entretenir, envers et contre tout, la flamme d’une présence chrétienne plurimillénaire en terre syrienne.
Les chrétiens sont les gardiens de la mémoire et de l’identité de la Syrie. Sans eux, le pays perdra son âme.
Un responsable religieux syrien
Alors que le conflit syrien entre dans sa douzième année, l’avenir des chrétiens du pays n’a jamais été aussi incertain. Leur survie dépendra en grande partie de la capacité de la communauté internationale à leur apporter une protection effective et à œuvrer pour une paix juste et durable. Un défi immense, à la mesure de l’héritage exceptionnel que ces chrétiens de Syrie portent en eux et qu’il est urgent de sauvegarder.