Dans un entretien exclusif, un haut diplomate brésilien a réaffirmé l’engagement des BRICS envers la coopération internationale, et ce malgré un climat géopolitique particulièrement tendu. Eduardo Saboia, négociateur en chef du Brésil au sein de ce groupe de puissances émergentes, a ainsi déclaré que les BRICS n’étaient « pas nés pour être anti quoi que ce soit ou anti-Occident. Au contraire, après la crise (financière) de 2008, les grandes économies développées ont sollicité la coopération des BRICS dans l’effort de redressement de l’économie mondiale ».
Cette prise de position intervient alors que Donald Trump s’apprête à effectuer son grand retour à la Maison Blanche, lui qui avait mené une véritable guerre commerciale contre la Chine, membre phare des BRICS, lors de son précédent mandat. Actuellement présidé par le Brésil, le bloc qui regroupe également la Russie, l’Inde et l’Afrique du Sud, semble néanmoins déterminé à tracer sa route.
Priorité à la coopération intra-BRICS
Interrogé sur les ambitions expansionnistes affichées par le président américain élu, notamment au sujet du Groenland ou du canal de Panama, le représentant brésilien a botté en touche, préférant mettre en avant l’agenda de coopération des BRICS dans des domaines aussi variés que « les sciences et technologies, les finances et la santé ». L’objectif étant de « porter la vision du Sud global » sur la scène internationale.
De même, les menaces brandies par Donald Trump d’imposer des droits de douane de 100% aux pays qui remettraient en cause la suprématie du dollar dans les échanges commerciaux n’ont pas semblé émouvoir outre mesure le négociateur des BRICS. Selon lui, « il n’y a aucun projet qui va dans ce sens », même s’il reconnaît la nécessité de « diversifier les possibilités, pour que les acteurs économiques puissent avoir le choix et soient à même de réaliser davantage de transactions » en monnaies locales.
L’union fera-t-elle la force ?
Face à l’unilatéralisme américain qui s’annonce, la cohésion des BRICS sera plus que jamais mise à l’épreuve. Si le Brésil, qui accueillera en juillet prochain le sommet annuel à Rio, semble jouer la carte de l’apaisement et du dialogue, certains pays membres pourraient être tentés d’adopter une ligne plus dure vis-à-vis de Washington. C’est notamment le cas de la Chine et de la Russie, qui voient d’un très mauvais œil le retour de celui qui n’a eu de cesse de les défier durant son premier mandat.
L’avenir nous dira si les BRICS parviendront, en rangs serrés, à faire entendre leur voix et peser davantage sur l’échiquier mondial malgré le retour du trublion Trump. Une chose est sûre, le bloc qui représente tout de même 42% de la population mondiale et 23% du PIB de la planète, a plus que jamais un rôle crucial à jouer pour défendre les intérêts du Sud face à un Occident qui semble déterminé à ne rien lâcher de son hégémonie.
Les enjeux du prochain sommet
Tous les regards seront donc tournés vers Rio en juillet, pour ce sommet des BRICS qui s’annonce décisif à plus d’un titre. Sur le plan économique d’abord, avec des discussions attendues sur le renforcement des liens commerciaux et financiers entre les cinq membres, à l’heure où les tensions protectionnistes n’ont jamais été aussi vives. Mais aussi sur le plan diplomatique, les BRICS cherchant à parler d’une seule voix sur les grands dossiers internationaux comme le climat, le terrorisme ou encore les conflits régionaux.
En interne aussi, le sommet de Rio sera scruté avec attention. Car si l’unité et la coopération sont plus que jamais de mise face aux défis extérieurs, les BRICS n’en restent pas moins un attelage hétéroclite, avec des pays aux intérêts parfois divergents. Entre une Chine soucieuse avant tout de préserver sa croissance et son leadership, une Inde marquée par les tensions avec le Pakistan ou encore une Afrique du Sud en proie à une grave crise économique et sociale, les motifs de friction ne manquent pas.
Vers un rééquilibrage des forces mondiales ?
Au-delà des enjeux propres aux BRICS, c’est bien la question d’un nouvel ordre mondial qui se profile en filigrane. Depuis plusieurs années déjà, les pays émergents ne cachent plus leurs ambitions de redistribuer les cartes du jeu géopolitique et économique international, jusqu’ici largement dominé par les puissances occidentales. Une aspiration rendue d’autant plus pressante par la crise du multilatéralisme et la montée des populismes dans de nombreux pays développés.
Dans ce contexte, les BRICS apparaissent comme un contrepoids de plus en plus incontournable, capables de faire entendre une autre voix et de promouvoir une vision alternative des relations internationales, fondée sur la coopération et le respect de la souveraineté de chacun. Reste à savoir s’ils sauront surmonter leurs propres contradictions pour incarner véritablement cette « autre mondialisation » dont ils se veulent les porte-drapeaux. Le sommet de Rio constituera à cet égard un test grandeur nature, qui dira si l’acronyme BRICS a encore un avenir ou s’il n’est finalement qu’un tigre de papier.