Quand un hélicoptère vrombit au-dessus de la ville, certains anciens soldats israéliens ne peuvent s’empêcher de fermer les yeux, transportés en un instant dans les ruelles dévastées de Khan Younès. Pour ces vétérans de la guerre de Gaza, déclenchée après l’attaque du Hamas le 7 octobre 2023, les blessures ne se limitent pas aux cicatrices visibles. Ce sont des traumatismes psychiques, des souvenirs obsédants et des nuits sans sommeil qui hantent leur quotidien. Cet article plonge dans l’intimité de ces combattants, explorant l’impact dévastateur du stress post-traumatique (TSPT) sur leur vie et celle de leurs proches, tout en mettant en lumière les initiatives pour les soutenir.
Une Guerre Qui Laisse des Traces Profondes
La guerre de Gaza, débutée en octobre 2023, est la plus longue et la plus intense qu’Israël ait connue depuis 1948. Mobilisant des dizaines de milliers de réservistes et de soldats, elle a marqué une génération. Si les chiffres officiels rapportent 478 militaires israéliens tués lors de l’offensive terrestre, un autre bilan, plus discret, émerge : celui des blessures psychologiques. Selon un rapport militaire de juillet 2025, environ 9 000 demandes de reconnaissance de souffrances psychiques ont été déposées depuis le début du conflit, un chiffre sans précédent comparé aux 159 cas recensés lors de la guerre de 2014, qui n’avait duré que deux mois.
« Les cris de mes camarades résonnent encore dans ma tête, où que je sois. »
Un capitaine israélien, blessé au combat
Ce témoignage, recueilli lors d’une commission parlementaire en septembre 2025, illustre une réalité brutale : pour beaucoup, le retour à la vie civile est un combat à part entière. Les flashbacks, déclenchés par un bruit, une odeur ou une image, replongent ces soldats dans l’horreur des combats. Les hélicoptères, omniprésents dans le ciel de Gaza, deviennent des déclencheurs redoutables, ramenant à la surface des souvenirs de champs de bataille.
Le Poids du Stress Post-Traumatique
Le TSPT ne se limite pas à des cauchemars ou des souvenirs intrusifs. Ses répercussions s’étendent à tous les aspects de la vie. Tuly Flint, psychologue spécialisé, décrit un tableau alarmant : des familles brisées, des couples séparés, et une violence parfois tournée vers soi-même ou vers les proches. « Le suicide n’est que la pointe de l’iceberg », explique-t-il. Les chiffres exacts restent flous, mais des témoignages évoquent une vague de suicides parmi les soldats, un sujet tabou que l’armée israélienne rechigne à quantifier officiellement.
« On ne veut pas se suicider, on est juste épuisé de vivre avec ces images. »
– Un ancien soldat franco-israélien
Ce cri du cœur, partagé devant une tente érigée face au Parlement israélien, traduit une détresse profonde. Depuis des semaines, des vétérans y campent pour exiger une meilleure reconnaissance du TSPT comme une blessure à part entière. Ils dénoncent un manque de soutien psychologique et une société qui peine à comprendre l’ampleur de leurs souffrances. « Ce n’est pas moins grave qu’une blessure physique, c’est une blessure de l’âme », insiste un ancien combattant.
Des Vies Brisées, des Familles Touchées
Le TSPT ne touche pas seulement les soldats, mais aussi leur entourage. Les enfants, en particulier, ressentent les stigmates de la guerre à travers le comportement de leurs parents. Un officier raconte une anecdote bouleversante : sa fille, éveillée par ses cauchemars, lui demande s’il préfère qu’elle reste près de lui la nuit. Ce simple geste révèle l’impact d’un traumatisme qui déborde sur la sphère familiale, transformant les proches en témoins impuissants.
Pour mieux comprendre l’ampleur du phénomène, voici quelques conséquences observées :
- Violence intrafamiliale : Des tensions accrues dans les foyers, parfois explosives.
- Séparations : Des couples incapables de surmonter le poids des traumatismes.
- Retrait social : Des soldats s’isolant, incapables de renouer avec la vie civile.
- Suicides : Un sujet encore tabou, mais une réalité alarmante.
Ces éléments dressent un tableau sombre, où le retour à la normale semble hors de portée pour beaucoup. Pourtant, des initiatives émergent pour briser ce cycle de souffrance.
Des Initiatives pour Guérir les Âmes
Face à cette crise, certains refusent de baisser les bras. Tom Wasserstein, marqué par le suicide de son frère Roï, un infirmier militaire de 24 ans, a lancé un projet de maisons d’accueil pour les soldats en détresse. « Une blessure psychique est une blessure tout autant qu’une balle », affirme-t-il. Ces refuges offrent un espace sécurisé où les vétérans peuvent parler, se reconstruire et retrouver un sens à leur vie. Ce projet, inspiré par la mémoire de son frère, vise à sauver des vies, même après la tragédie.
« Mon frère a sauvé des vies sur le front, et même dans sa mort, il continue d’en sauver. »
Tom Wasserstein, frère d’un soldat décédé
Ces initiatives, bien que prometteuses, restent insuffisantes face à l’ampleur du problème. Les services de santé militaires, débordés, peinent à répondre à la demande croissante de suivi psychologique. Les vétérans appellent à une reconnaissance officielle du TSPT comme une blessure de guerre, avec des ressources adaptées et un soutien à long terme.
Un Conflit aux Conséquences Globales
La guerre de Gaza a laissé des cicatrices des deux côtés. Côté israélien, l’attaque initiale du 7 octobre 2023 a causé 1 221 morts, principalement des civils. Les opérations militaires qui ont suivi ont entraîné plus de 68 200 morts à Gaza, selon des chiffres officiels, majoritairement des civils. Ces pertes massives, combinées aux traumatismes des combattants, rappellent le coût humain exorbitant de ce conflit. Même avec le cessez-le-feu instauré le 10 octobre 2025, les blessures psychiques mettront des années à cicatriser.
| Conflit | Durée | Cas de TSPT recensés |
|---|---|---|
| Guerre de Gaza 2014 | 2 mois | 159 |
| Guerre de Gaza 2023-2025 | +2 ans | 9 000 (demandes) |
Ce tableau met en évidence l’ampleur exceptionnelle du conflit actuel. Les chiffres, bien que parlants, ne racontent qu’une partie de l’histoire. Derrière chaque cas se cache un individu, une famille, une communauté touchée par les répercussions de la guerre.
Vers une Prise de Conscience Collective
La tente devant le Parlement israélien, où des soldats se relaient pour partager leur vécu, est devenue un symbole de résistance. Ces vétérans ne demandent pas seulement des soins, mais une reconnaissance sociétale. Ils veulent que le TSPT soit perçu comme une blessure légitime, au même titre qu’une fracture ou une amputation. Cette lutte pour la visibilité est essentielle pour briser le stigma entourant la santé mentale dans une société où la résilience est souvent glorifiée.
Pourtant, le chemin est encore long. Les ressources psychologiques restent limitées, et les soldats, souvent jeunes, doivent naviguer seuls dans un système complexe. Les initiatives comme celle de Tom Wasserstein offrent une lueur d’espoir, mais elles ne suffisent pas à répondre à une crise d’une telle ampleur.
Et Après ?
Le cessez-le-feu d’octobre 2025 marque peut-être la fin des combats, mais pas celle des souffrances. Les blessures invisibles des soldats israéliens, tout comme celles des civils touchés par le conflit, rappellent que la paix ne se limite pas à l’absence de guerre. Elle exige un effort collectif pour guérir, soutenir et reconstruire. Les témoignages des vétérans, leurs luttes et leurs espoirs, nous invitent à repenser la manière dont nous abordons la santé mentale dans les contextes de guerre.
En attendant, les hélicoptères continuent de voler, et pour certains, chaque vrombissement est un rappel douloureux. Mais à travers les initiatives naissantes et les voix qui s’élèvent, une lueur d’espoir persiste : celle d’un avenir où les blessures de l’âme seront enfin reconnues et soignées.
