Chaque année, c’est le même déferlement. Des millions de touristes envahissent les Baléares, petit archipel espagnol en Méditerranée, à la recherche de ses plages paradisiaques et de son ambiance festive. Mais derrière la carte postale, le surtourisme fait des ravages, suscitant l’exaspération grandissante des habitants et menaçant les fragiles écosystèmes insulaires. Face à cette situation devenue intenable, les autorités tentent de trouver des parades. Mais comment concilier la manne économique vitale du tourisme avec la nécessité d’un développement plus durable ?
Le surtourisme, un fléau aux multiples visages
Avec près de 18 millions de visiteurs en 2022, un record, les Baléares font partie des destinations les plus prisées du bassin méditerranéen. Mais cette fréquentation massive n’est pas sans conséquences :
- Dégradation accélérée de l’environnement (érosion des plages, pollution…)
- Saturation des infrastructures (routes, traitement des déchets…)
- Flambée des prix de l’immobilier, forçant les locaux à s’exiler
- Perte d’identité et folklorisation des traditions
À Minorque, des villages comme Binibeca Vell sont littéralement pris d’assaut. “On a parfois l’impression d’être à Disneyland”, déplore un résident, excédé par les nuisances et incivilités. Une situation devenue explosive, comme en témoignent les manifestations anti-surtourisme qui ont réuni des milliers de personnes fin mai dans l’archipel.
La difficile équation du tourisme durable
Mais les marges de manœuvre sont étroites pour les autorités. Le tourisme représente 45% du PIB et des emplois aux Baléares. Difficile donc de s’attaquer frontalement à la poule aux œufs d’or. La présidente de région a bien reconnu que les îles avaient “atteint leurs limites”. Mais au-delà des déclarations d’intention, comment inverser la tendance ?
Certaines mesures ont été annoncées pour réguler les excès les plus criants : interdiction de consommer de l’alcool dans la rue, de nouvelles locations saisonnières et probable limitation des arrivées de paquebots à Palma. Mais beaucoup jugent ces dispositions trop timides et tardives.
Il faut un changement de modèle en profondeur, pas des rustines. On doit cesser de faire du tourisme low-cost et miser sur un tourisme de qualité, respectueux de l’environnement et de nos modes de vie.
Une militante écologiste de Majorque
Un comité d’experts pour repenser le tourisme
Conscient que la situation ne peut plus durer, le gouvernement régional a mis en place un comité d’experts chargé de plancher sur une nouvelle feuille de route pour un tourisme durable. Au menu des réflexions :
- Déterminer la capacité de charge des différentes zones
- Répartir les flux sur l’année pour éviter les pics
- Développer des activités moins consommatrices de ressources
- Mieux intégrer les retombées dans l’économie locale
L’objectif est d’aboutir à une stratégie de long terme conciliant la préservation du patrimoine naturel et culturel avec un tourisme de qualité, créateur d’emplois pérennes pour les insulaires. Un sacré défi dans un contexte de compétition acharnée entre destinations, sur fond de reprise post-covid. Mais un impératif vital pour l’avenir de ce joyau méditerranéen.
Il faut trouver un équilibre entre l’économie, l’écologie et le bien-être social. C’est une question de survie pour nos îles.
Marga Prohens, présidente de la région des Baléares
Réinventer un tourisme harmonieux et durable, voilà l’immense chantier qui attend les Baléares ces prochaines années. Cet archipel emblématique, longtemps symbole du tourisme de masse, saura-t-il devenir un modèle de transition réussie vers un nouveau paradigme touristique ? Habitants, visiteurs, professionnels, autorités… Tous doivent prendre leur part pour relever ce défi collectif. L’avenir des îles en dépend.