Un vent de révolte souffle sur les côtes danoises alors que les avocats français de Paul Watson, figure emblématique de la lutte contre la chasse à la baleine, implorent le ministre danois de la Justice de refuser son extradition vers le Japon. L’Américano-canadien de 73 ans, fondateur de l’ONG Sea Shepherd, a été arrêté le 21 juillet dernier au Groenland, un territoire autonome danois, et voit sa détention prolongée jusqu’au 4 décembre dans l’attente d’une décision gouvernementale lourde de conséquences.
Des Poursuites “Politiques” Selon Ses Avocats
D’après son équipe de défense, Paul Watson est poursuivi par le Japon pour “obstruction à une activité commerciale” suite à des incidents survenus début 2010 dans l’océan Antarctique, lors de heurts avec un baleinier nippon. Ses avocats français, du pays où il réside et dont il a récemment demandé la nationalité, jugent ces poursuites “politiques” et estiment qu’elles “enfreignent gravement certains de ses droits les plus fondamentaux, y compris sa liberté d’expression”.
Les poursuites sans relâche de M. Paul Watson par le Japon démontrent sa volonté de mettre un terme à ses actions visant à dénoncer leur chasse d’espèces marines protégées, sources de tensions entre Paul Watson (…) et les autorités japonaises depuis des décennies.
Extrait de la lettre des avocats de Paul Watson au ministre danois de la Justice
Un Appel Vibrant au Respect de l’État de Droit
Dans leur missive datée de mardi au ministre Peter Hummelgaard Thomsen, les sept avocats de Paul Watson en France exhortent le Danemark à agir “dans le respect strict de l’État de droit, ce qui ne peut se faire qu’en refusant l’extradition” de leur client vers le Japon. Ils soulignent que cette affaire dépasse le cas individuel de l’activiste pour toucher à des valeurs fondamentales :
Nous pensons que la question de la libération de Paul Watson et du refus de l’extrader ne sont pas seulement justes et fondées, elles correspondent surtout à la préservation de valeurs qui nous dépassent tous : la justice (…) et la protection de l’environnement.
Maître Jean Tamalet, coordinateur de l’équipe de défense de Paul Watson
Me Tamalet interpelle directement le ministre danois en lui rappelant que “le peuple danois [lui] a confié la mission d’incarner la justice”, ce qui doit se traduire dans ses actes “pas parce que Paul Watson est une icône, simplement par respect de ces deux valeurs (…) qui sont essentielles au peuple danois”.
Sea Shepherd, 45 Ans de Combat Pour les Océans
Fondée en 1977 par Paul Watson, Sea Shepherd est une organisation internationale à but non lucratif vouée à la protection des écosystèmes marins et de la faune aquatique. Connue pour ses actions coup de poing contre la chasse à la baleine, la pêche illégale et la destruction des habitats océaniques, l’ONG s’est fait de nombreux ennemis parmi les entreprises et gouvernements pratiquant ou soutenant ces activités controversées.
Au fil des décennies, Paul Watson et ses équipages de volontaires ont mené d’audacieuses campagnes en mer, souvent au péril de leur vie, pour perturber les opérations baleinières japonaises, islandaises ou norvégiennes. Leurs tactiques non-violentes mais risquées, allant du lancer de bouteilles puantes sur les ponts des navires chasseurs au positionnement de bateaux entre les harpons et les cétacés, leur ont valu l’admiration des défenseurs de l’environnement mais aussi les foudres des autorités maritimes.
Le Japon, Ennemi Juré de Sea Shepherd
Parmi tous les pays pratiquant la chasse à la baleine “à des fins scientifiques”, une exception à l’interdiction mondiale en vigueur depuis 1986, le Japon est sans conteste celui qui a le plus croisé le fer avec Sea Shepherd. Chaque année, la flotte baleinière nippone prend la mer vers l’Antarctique pour y harponner des centaines de cétacés au mépris du moratoire international, suscitant l’ire des écologistes.
Lors de la saison 2009-2010, les affrontements entre bateaux japonais et navires de Sea Shepherd ont été particulièrement violents, donnant lieu à des collisions, des tirs de canon à eau et des lancers de projectiles par les deux camps. C’est de ces incidents que découlent les poursuites actuelles du Japon contre Paul Watson, une tentative selon ce dernier de le réduire au silence et de couler son organisation.
L’Avenir de Sea Shepherd en Question
Si le Danemark venait à accéder à la demande d’extradition japonaise, les conséquences pour Sea Shepherd et plus largement pour le mouvement écologiste mondial pourraient être dramatiques. Privée de son charismatique leader, l’ONG serait fragilisée dans son combat contre les baleiniers et autres prédateurs des océans.
Plus grave encore, un tel précédent juridique ouvrirait la voie à une criminalisation généralisée des militants environnementaux, coupables aux yeux de certains États de gêner leurs intérêts économiques. Ce sont les valeurs mêmes de liberté d’expression, de résistance citoyenne et de défense de la planète qui seraient alors piétinées.
Face à ces sombres perspectives, les soutiens de Paul Watson et de Sea Shepherd se multiplient à travers le monde pour faire pression sur le gouvernement danois. Pétitions en ligne, manifestations devant les ambassades, tribunes dans la presse : la mobilisation s’intensifie à mesure que l’échéance fatidique du 4 décembre approche.
L’enjeu dépasse désormais le seul sort d’un homme, aussi héroïque soit-il. C’est la capacité de nos sociétés à protéger ceux qui osent défier les puissants au nom de l’intérêt général et du vivant qui est en jeu. Les prochains jours diront si le Danemark choisit le camp de la justice et de l’écologie ou celui de la raison d’État et du chantage diplomatique. L’onde de choc sera dans tous les cas planétaire.