Au cœur de la Birmanie déchirée par un conflit sanglant, des artisans s’accrochent à une tradition ancestrale : la sculpture de statues de Bouddha en marbre blanc. Depuis des générations, ces œuvres ornent les lieux de culte et les foyers bouddhistes du pays. Mais aujourd’hui, la guerre civile qui fait rage menace cet artisanat millénaire.
Des carrières aux mains des rebelles
Depuis le coup d’État de la junte militaire en 2021, la Birmanie est plongée dans une spirale de violence. Les carrières de marbre de Madaya, qui approvisionnent les sculpteurs depuis des siècles, sont désormais situées en zone rebelle. Obtenir la précieuse matière première est devenu une véritable aventure.
Ce n’est pas facile d’y aller, et nous ne pouvons pas ramener les pierres.
– Aung Naing Lin, sculpteur à Mandalay
Transporter le marbre d’une région aux mains des rebelles à une autre contrôlée par la junte est coûteux et risqué. Les propriétaires d’ateliers témoignent des difficultés rencontrées, certains associés ayant même été arrêtés lors du transport.
Un patrimoine culturel en péril
Les carrières de Madaya sont étroitement liées à l’histoire de la Birmanie. Au XIXe siècle, le roi Mindon avait ordonné de graver les écritures bouddhistes sur 720 blocs de marbre pour les préserver. Aujourd’hui, c’est cet héritage qui est menacé.
L’armée, qui domine le pays depuis son indépendance en 1948, apprécie également ce marbre. Elle a commandé une statue géante de Bouddha en marbre de Madaya pour sa nouvelle capitale, devenue un passage obligé pour les rares délégations étrangères.
La résilience des artisans birmans
Malgré les combats qui font rage, les sculpteurs de Mandalay poursuivent leur travail avec abnégation. Dans leurs ateliers, hommes et femmes s’affairent à donner vie aux Bouddhas de marbre, perpétuant un savoir-faire transmis de génération en génération.
Je veux que les statues soient propres et belles, qu’elles soient vendues ou non.
– Min Min Soe, propriétaire d’atelier
Pour ces artisans, sculpter les Bouddhas est bien plus qu’un simple métier. C’est un acte de dévotion, une façon de trouver la paix intérieure dans un pays en proie à la violence. Chaque statue est considérée comme un “Bouddha vivant”, choyée et vénérée.
Ainsi, malgré les défis amenés par la guerre civile, les sculpteurs birmans font preuve d’une résilience extraordinaire pour maintenir leur art ancestral. Leur détermination à créer de la beauté au milieu du chaos est un témoignage poignant de la force de l’esprit humain face à l’adversité.
Dans un pays déchiré par les conflits, ces artisans sont les gardiens d’une tradition qui transcende les divisions. Leurs mains expertes façonnent non seulement le marbre, mais aussi l’espoir d’un avenir où la paix et l’harmonie l’emporteront. Chaque Bouddha sculpté est un symbole de cette aspiration universelle.