Dans la ville japonaise de Wajima, les artisans laqueurs s’efforcent de maintenir en vie leur précieux héritage malgré la dévastation causée par le puissant séisme du Nouvel An 2024. Célèbre dans tout le Japon et au-delà pour son artisanat de la laque connu sous le nom de Wajima-nuri, cette cité côtière de 20 000 âmes a vu son existence basculer en quelques instants.
Le séisme qui a tout changé
Le 1er janvier 2024, alors que chacun s’apprêtait à célébrer la nouvelle année, un violent tremblement de terre de magnitude 7,5 a frappé Wajima et toute la péninsule de Noto. Tsunamis, incendies et glissements de terrain ont forcé la majorité des habitants à fuir et se réfugier dans des abris. La mort, la souffrance et la désolation ont envahi la ville.
Un nouveau coup dur
Alors que les artisans tentaient de se relever et de reconstruire leur vie, des pluies torrentielles se sont abattues sur Wajima en septembre, inondant la ville. Des maisons ayant résisté au séisme ont été détruites, désorganisant un peu plus le réseau des quelque 700 artisans de l’industrie locale de la laque. La municipalité peine aujourd’hui à recenser ceux encore en activité.
Un artisanat d’exception
Le Wajima-nuri, réputé pour sa robustesse et ses motifs délicats, nécessite plus de 100 étapes de fabrication. Bols, baguettes, meubles haut de gamme… Cet artisanat est le fruit d’un savoir-faire partagé entre des artisans spécialisés, certains se consacrant au revêtement de laque, d’autres à la sculpture et au façonnage du bois.
Je pense que je dois faire tout ce que je peux pour faire avancer la reconstruction, poursuivre cette tradition et la transmettre aux prochaines générations.
– Takaho Shoji, artisan laqueur
Une lutte pour la survie
Malgré l’adversité, des artisans comme Takaho Shoji et Taiichi Kirimoto, dont l’atelier existe depuis 7 générations, s’acharnent à préserver leur précieux héritage. M. Kirimoto a ainsi travaillé avec le célèbre architecte Shigeru Ban pour construire des espaces de travail temporaires en carton. Il parcourt aussi le pays pour promouvoir son art et fournir des lieux de travail à ses confrères.
De son côté, M. Shoji teste de nouvelles méthodes inspirées de la tradition pour moderniser la laque. Ensemble, ils veulent croire que cet artisanat, source de fierté locale, peut redonner de l’énergie à leur ville en ces temps difficiles.
Les objets en laque procurent un sentiment de réconfort, de chaleur et de bien-être aux gens. C’est peut-être différent de la commodité moderne.
– Taiichi Kirimoto, artisan de Wajima
Un avenir incertain
Mais la crainte de voir leur communauté dévastée et leur tradition s’éteindre hante les esprits. « Lorsque vous perdez des gens, la communauté est dévastée », confie M. Shoji, ébranlé par les inondations qui ont endommagé son hébergement temporaire en septembre. Pourtant, il reste convaincu que la voie de la reconstruction passe par la sauvegarde de cet artisanat séculaire.
Notre avenir est incertain. Mais je veux œuvrer pour faire avancer les choses […] Tout ce que je peux faire, c’est me donner à fond pour aller de l’avant.
– Takaho Shoji
À Wajima, les artisans de la laque se battent ainsi au quotidien pour ne pas voir s’éteindre la flamme fragile de leur art ancestral. Dans leurs mains et leur cœur réside peut-être l’espoir d’une renaissance pour toute une ville meurtrie mais fière de son héritage unique au monde.