C’est une première mondiale : les deux hommes clés de la reconstruction de Notre-Dame de Paris ont accepté de livrer leur regard croisé sur cette aventure hors norme. Dans un entretien exclusif, Philippe Jost, président de l’établissement public chargé de piloter le chantier, et Philippe Villeneuve, architecte en chef des monuments historiques responsable de la restauration, reviennent sur les coulisses de ce défi architectural et humain. L’occasion unique de plonger au cœur de l’un des chantiers les plus scrutés de notre époque.
Deux profils complémentaires pour un duo gagnant
Tout les oppose et pourtant, ils forment un duo redoutablement efficace. D’un côté, Philippe Jost, le maître d’ouvrage, incarne la rigueur et le pragmatisme de l’ingénieur. De l’autre, Philippe Villeneuve, le maître d’œuvre, représente la sensibilité et la créativité de l’architecte passionné du Moyen-Âge. Leur complémentarité a été la clé pour relever le défi immense de restaurer Notre-Dame en 5 ans, malgré l’ampleur des dégâts.
Notre secret, c’est le dialogue permanent et la confiance mutuelle. Nous avons su dépasser nos différences pour rester focalisés sur notre objectif commun : redonner vie à Notre-Dame.
Philippe Jost, Président de l’établissement public « Rebâtir Notre-Dame de Paris »
Les coulisses d’un chantier hors normes
Du déblaiement des gravats à la reconstruction de la flèche à l’identique, en passant par la sécurisation de l’édifice et la restauration des chefs-d’œuvre qu’il abrite, les deux hommes nous font revivre les moments forts de cette aventure unique. Ils évoquent les prouesses techniques réalisées, comme la découpe et le levage des chênes centenaires pour rebâtir la charpente, mais aussi les émotions intenses vécues, des larmes du 15 avril 2019 à la joie des retrouvailles avec une cathédrale transfigurée.
Reconstruire la charpente à l’identique, avec les outils et les savoir-faire du XIIIe siècle, était une folie pour beaucoup. Nous l’avons fait, en prouvant que les cathédrales gothiques ont encore des choses à nous apprendre.
Philippe Villeneuve, Architecte en chef des monuments historiques
Le pari réussi d’une réouverture en un temps record
Critiqué au départ pour son pari d’une réouverture de Notre-Dame en 2024, le tandem Jost-Villeneuve a su tenir les délais, malgré la crise sanitaire. Une prouesse saluée par tous, du Président de la République aux anonymes émus aux larmes lors de la première messe dans la cathédrale restaurée. Si le gros-œuvre est achevé et que le culte et les visites ont pu reprendre, certains défis restent encore à relever, comme l’aménagement intérieur et la réinstallation du grand-orgue.
Notre-Dame, symbole d’un patrimoine vivant
Pour Philippe Jost et Philippe Villeneuve, la renaissance de Notre-Dame est porteuse d’un message universel : celui d’un patrimoine qui se transmet et s’enrichit à chaque époque. Ouverte aux visiteurs du monde entier et adaptée aux usages contemporains avec son nouveau mobilier épuré, la cathédrale illustre la vision d’un héritage architectural vivant, qu’il faut à la fois protéger et faire évoluer. Un pari audacieux, qui n’a pas manqué de susciter le débat, mais qui était nécessaire pour faire entrer ce joyau gothique dans le XXIe siècle.
Avec ce chantier, nous avons voulu montrer que sauvegarder notre patrimoine ne signifie pas le figer dans le passé. Une cathédrale, c’est un lieu vivant qui doit répondre aux besoins de son temps.
Philippe Jost et Philippe Villeneuve
Un entretien passionnant, qui nous plonge dans les coulisses de l’un des chantiers les plus extraordinaires de notre temps, et nous invite à porter un nouveau regard sur notre patrimoine. La preuve que même meurtrie, Notre-Dame reste un symbole éternel, capable de nous rassembler et de nous inspirer. Et si le véritable miracle de Notre-Dame, c’était cette formidable aventure humaine et collective qui a permis sa renaissance ?