Quand un nouveau pape monte sur le trône de Saint-Pierre, le monde retient son souffle. Mais pour Léon XIV, élu en 2025, l’attention se porte moins sur ses homélies que sur un dossier brûlant : les abus sexuels dans l’Église catholique. Ce scandale, qui ébranle l’institution depuis des décennies, place le prélat américain de 69 ans sous un projecteur impitoyable. Entre ceux qui saluent ses premiers pas et ceux qui dénoncent son inaction passée, une question domine : ce pape saura-t-il apporter la lumière là où l’ombre a trop longtemps régné ?
Léon XIV : Un Pape à l’Épreuve des Scandales
Le conclave de 2025 a surpris en choisissant Robert Francis Prevost, un Américain au parcours atypique, pour succéder à François. Ancien chef des Augustins, évêque au Pérou, puis figure clé du Vatican, il incarne à la fois la continuité et la rupture. Mais si son élection a suscité des espoirs, elle a aussi ravivé des critiques. Des ONG, comme SNAP et Bishop Accountability, scrutent son bilan, et leur verdict est loin d’être unanime.
Un Bilan Mitigé au Pérou
Entre 2015 et 2023, Léon XIV, alors évêque de Chiclayo au Pérou, a été confronté à des accusations d’abus sexuels dans son diocèse. Trois victimes ont rapporté des faits graves impliquant des prêtres, mais, selon SNAP, aucune enquête canonique n’aurait été ouverte. Pire, les plaignants affirment que le diocèse a permis à un prêtre accusé de continuer à célébrer la messe, un choix qui soulève des questions sur la volonté de transparence de l’évêque d’alors.
« Les victimes ont affirmé que Mgr Prevost n’avait pas ouvert d’enquête et avait envoyé des informations inadéquates à Rome. »
SNAP, communiqué post-élection
Ce manque d’action contraste avec l’image d’un homme présenté comme proche des plus démunis. Les victimes, livrées à elles-mêmes, ont dû se tourner vers la justice civile en 2022 pour faire entendre leur voix. Ce précédent pèse lourd alors que Léon XIV promet de faire de la lutte contre les abus une priorité.
Le Scandale Sodalitium Christianae Vitae : Une Lueur d’Espoir
Tout n’est pas sombre dans le parcours de Léon XIV. Son rôle dans la dénonciation du scandale Sodalitium Christianae Vitae (SCV), une congrégation laïque péruvienne, est salué par certains. Ce mouvement ultraconservateur, dissous par le pape François en 2025, a été secoué par des révélations d’abus physiques, psychologiques et sexuels. Environ 36 victimes, dont 19 mineurs, ont été recensées après une enquête de sept ans.
Léon XIV, alors évêque, a joué un rôle clé en soutenant les victimes et en participant à la création d’une commission de vérité au Pérou. Pedro Salinas, journaliste et victime, le cite parmi les prélats ayant agi avec courage. Cette affaire, selon Anne Barrett Doyle de Bishop Accountability, offre « des raisons d’espérer » pour l’avenir.
Repère clé : En 2019, Mgr Prevost déclarait au quotidien péruvien La República : « Nous rejetons la dissimulation et le secret, cela fait beaucoup de mal. »
Au Vatican : Secret ou Prudence ?
Avant son élection, Léon XIV a dirigé le dicastère des évêques, un poste stratégique au Vatican. Ce département, chargé de conseiller sur les nominations épiscopales, gérait également les dossiers d’abus impliquant des évêques. Pourtant, les critiques fusent : aucun nom de coupable n’a été publié sous sa direction, et aucun évêque complice n’a été déchu de son titre.
Pour Anne Barrett Doyle, ce silence est problématique. « Il a maintenu le secret sur ces procédures, ne dévoilant ni noms ni informations », regrette-t-elle. Cette opacité, perçue comme une protection des accusés, alimente la méfiance des victimes et des ONG.
Les Défis d’un Pontificat sous Pression
Le scandale des abus sexuels n’est pas seulement une crise morale ; il menace la crédibilité de l’Église. Depuis les premières révélations au début des années 2000, l’institution a vacillé sous le poids des accusations. Léon XIV hérite d’une situation explosive, où chaque décision sera scrutée.
Pour répondre à ces attentes, le pape devra :
- Renforcer la transparence : Publier les noms des coupables et les résultats des enquêtes canoniques.
- Soutenir les victimes : Mettre en place des mécanismes d’écoute et d’indemnisation.
- Réformer les institutions : Modifier les processus internes pour éviter la dissimulation.
Ces mesures, si elles sont appliquées, pourraient redonner confiance aux fidèles. Mais le chemin est semé d’embûches, notamment dans une institution où la tradition et la prudence dominent.
Un Profil Atypique pour un Défi Historique
Léon XIV n’est pas un inconnu. Né aux États-Unis, avec des racines françaises et métisses, il a grandi dans un milieu modeste. Sa simplicité, héritée de son engagement auprès des plus pauvres, rappelle le style de François. Mais saura-t-il transformer cette image en actions concrètes ?
Son passé à Chicago, où il a autorisé un prêtre accusé à résider près d’une école, reste une tache sur son CV. Ce choix, datant de 2000, illustre les dilemmes auxquels il sera confronté : protéger l’institution ou privilégier les victimes ?
| Période | Rôle | Critiques | Actions Positives |
|---|---|---|---|
| 2015-2023 | Évêque de Chiclayo | Aucune enquête ouverte sur des abus | Soutien à la commission SCV |
| 2023-2025 | Dicastère des évêques | Maintien du secret sur les dossiers | Rôle dans la dissolution de SCV |
Vers une Réforme ou une Continuité ?
Le pontificat de Léon XIV s’ouvre dans un climat de défiance, mais aussi d’attente. Les fidèles, les victimes et les observateurs espèrent un changement radical. La dissolution de SCV, bien que tardive, montre que l’Église peut agir lorsqu’elle est sous pression. Mais pour beaucoup, le véritable test sera la capacité du pape à briser le mur du silence.
En 2019, Mgr Prevost affirmait rejeter « la dissimulation ». Ces mots, prononcés il y a six ans, résonnent aujourd’hui comme un engagement. Pourtant, les ONG rappellent que les promesses ne suffisent pas. Sans actions concrètes, le risque est grand que l’Église continue de perdre la confiance de ses fidèles.
Le Poids des Attentes Mondiales
Le scandale des abus sexuels transcende les frontières. Des États-Unis à l’Amérique latine, en passant par l’Europe, les révélations ont ébranlé des millions de catholiques. Léon XIV, avec son expérience internationale, est bien placé pour comprendre l’ampleur du problème. Mais saura-t-il fédérer une institution divisée ?
Les prochaines années seront décisives. Si Léon XIV parvient à instaurer une culture de transparence, il pourrait redéfinir l’avenir de l’Église. Dans le cas contraire, son pontificat risque d’être marqué par les mêmes critiques que celles adressées à ses prédécesseurs.
Pour l’heure, le monde observe. Les victimes, elles, attendent plus que des paroles : elles veulent des actes. Léon XIV saura-t-il répondre à cet appel ? L’histoire, et les fidèles, en jugeront.
