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Léon XIV à Ankara : Premier Voyage Explosif du Pape Américain

Jeudi, le pape Léon XIV pose pour la première fois le pied hors d’Italie. Direction Ankara, où l’attend Erdogan dans un contexte régional incandescent. Droits de l’Homme, minorités chrétiennes, guerre en Ukraine… que va oser dire le premier pape américain au président turc ? La réponse risque de marquer les esprits.

Imaginez : un pape né à Chicago, parlant avec l’accent de l’Illinois, qui descend de l’avion papal à Ankara sous les objectifs de quatre-vingts journalistes du monde entier. C’est exactement ce qui se passe ce jeudi pour Léon XIV, premier pontife américain de l’Histoire, et son tout premier voyage à l’étranger. Quatre jours en Turquie, puis trois au Liban : un baptême du feu diplomatique et pastoral dans l’une des régions les plus explosives de la planète.

Un choix symbolique fort dès le premier déplacement

Choisir la Turquie comme première destination hors d’Italie n’a rien d’anodin. Depuis Paul VI en 1967, chaque pape s’y est rendu, mais aucun n’y arrivait avec le profil de Léon XIV : un homme qui, dès son élection en mai, a surpris par sa liberté de ton et son refus des codes traditionnels. Parler anglais plutôt qu’italien dans tous ses discours ? Une première. Répondre chaque semaine aux journalistes dans l’avion ? Inédit. Le message est clair : ce pontificat veut s’adresser directement au monde, sans filtre.

À Ankara, l’agenda est chargé. Arrivée à 12 h 30, discours devant les autorités, la société civile et le corps diplomatique, visite au mausolée d’Atatürk, puis vol vers Istanbul en soirée. Derrière le protocole, chaque geste sera décrypté.

Erdogan et Léon XIV : un face-à-face sous haute tension

Le président turc Recep Tayyip Erdogan reçoit le pape dans l’immense palais présidentiel aux mille pièces. Les sujets qui fâchent ne manquent pas. Les chrétiens de Turquie ne représentent que 0,1 % d’une population de 86 millions d’habitants, majoritairement sunnites. Beaucoup se sentent citoyens de seconde zone : difficultés à obtenir des permis de construction pour les églises, inégalités juridiques persistantes, sentiment d’exclusion renforcé depuis la transformation de Sainte-Sophie en mosquée en 2020.

Le Vatican, malgré tout, entretient le dialogue. Pourquoi ? Parce qu’Ankara reste un acteur incontournable pour la stabilité régionale et parce que la Turquie accueille plus de 2,5 millions de réfugiés syriens – un effort que le Saint-Siège salue régulièrement.

« La Turquie est à la croisée des chemins entre l’Europe, l’Asie et le Moyen-Orient. Ignorer Ankara serait une erreur stratégique »

un diplomate du Saint-Siège, sous couvert d’anonymat

Autre dossier brûlant : les droits de l’Homme. Des dizaines de milliers d’opposants, journalistes, universitaires croupissent en prison depuis la tentative de coup d’État de 2016. Léon XIV, qui n’a pas la langue dans sa poche, devra trouver le ton juste : ferme sur les principes, mais sans rompre le fil du dialogue.

Iznik 2025 : 1700 ans du premier concile œcuménique

Le vendredi, le voyage prend une coloration profondément spirituelle. Direction Iznik, l’antique Nicée, sur les rives du lac du même nom. Il y a exactement 1700 ans, en 325, l’empereur Constantin réunissait trois cents évêques pour le premier concile œcuménique de l’Histoire. C’est là qu’a été rédigé le Credo que des millions de chrétiens récitent encore chaque dimanche.

Léon XIV célébrera une prière œcuménique aux côtés du patriarche œcuménique Bartholomée Ier, primat honorifique des orthodoxes. Un moment initialement prévu avec François, décédé en avril. Les deux hommes se connaissent bien : plusieurs rencontres déjà, une vraie complicité. Léon XIV l’a redit mardi aux journalistes dans l’avion :

« Bartholomée et moi-même nous sommes déjà rencontrés à plusieurs reprises, et je pense que ce sera une occasion exceptionnelle de promouvoir l’unité entre tous les chrétiens. »

Dans un monde orthodoxe fracturé – rupture historique entre Moscou et Constantinople depuis la guerre en Ukraine –, ce geste prend une portée particulière. Léon XIV marche dans les pas de ses prédécesseurs qui, de Jean-Paul II à François, ont tout fait pour panser la blessure du schisme de 1054.

Le Liban en épilogue : un pays au bord du gouffre

De dimanche à mardi, cap sur Beyrouth. Le Liban traverse la pire crise économique de son histoire moderne : effondrement de la livre, hyperinflation, pénurie d’électricité et de médicaments. À cela s’ajoutent les bombardements israéliens récents malgré le cessez-le-feu fragile avec le Hezbollah.

Pour les chrétiens du Liban – encore 30 à 35 % de la population –, la visite du pape est un ballon d’oxygène. Léon XIV devrait marteler le message d’espérance et de coexistence qui a toujours été la marque du Saint-Siège dans ce pays mosaïque.

Un pape qui parle anglais au monde

Petit détail qui en dit long : Léon XIV prononcera tous ses discours en anglais. Une rupture. Ses prédécesseurs privilégiaient l’italien, langue officielle du Vatican, parfois l’espagnol pour François. Lui assume pleinement sa langue maternelle. Conséquence : ses messages touchent immédiatement des centaines de millions de personnes sans passer par la case traduction.

Dès son élection, il avait appelé à une paix « désarmée et désarmante ». Quelques semaines plus tard, il qualifiait de « extrêmement irrespectueux » le traitement des migrants par l’administration Trump. Des formules qui claquent, qui voyagent sur les réseaux sociaux en quelques minutes.

Pourquoi ce voyage est historique à plus d’un titre

  • Premier pape américain à fouler le sol turc
  • Cinquième pape à visiter la Turquie depuis 1967
  • Première prière œcuménique majeure depuis la mort de François
  • Premier discours papal intégralement en anglais hors des Amériques
  • Contexte géopolitique tendu : guerre en Ukraine, tensions Israël-Hezbollah, crise des réfugiés

En quatre jours, Léon XIV va devoir jongler entre diplomatie de haut vol, gestes pastoraux forts et prises de position courageuses. Ankara, Istanbul, Iznik, puis Beyrouth : chaque étape est un test. Et le monde entier regarde.

Ce premier voyage international marque probablement le vrai début du pontificat Léon XIV. Un pontificat qui s’annonce résolument tourné vers le monde, sans peur des sujets qui dérangent et avec une volonté farouche de parler à tous, croyants ou non. Rendez-vous dans les prochaines heures pour les premiers discours. Ils risquent de faire date.

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