À quelques pas du charmant quartier du Trastevere à Rome, se dresse un bâtiment qui cache derrière ses murs délabrés un enfer moderne. La prison Regina Coeli, tristement célèbre, est devenue le symbole d’un système carcéral italien à bout de souffle, rongé par des fléaux qui ne cessent de s’aggraver.
Regina Coeli, une “jungle” où survie rime avec chaos
Émeutes, incendies, violences… le quotidien des détenus et des gardiens de Regina Coeli est tout sauf paisible. Plus de 1150 hommes s’entassent dans une prison prévue pour seulement 628 places, un taux d’occupation aberrant de 183%. Les conditions de vie y sont indignes : eau chaude et électricité défaillantes, hygiène déplorable, promiscuité extrême. Les détenus, “tout simplement abandonnés” selon les proches, tentent de survivre dans ce que beaucoup décrivent comme une “jungle”.
“Celui qui n’est pas à l’intérieur ne pourra jamais comprendre. C’est indescriptible.”
– Un gardien de Regina Coeli
Le suicide comme échappatoire à l’horreur carcérale
Face à ces conditions insoutenables, certains détenus ne voient qu’une seule issue : le suicide. Depuis le début de l’année, 77 prisonniers et 7 gardiens ont choisi de mettre fin à leurs jours dans les prisons italiennes. Un chiffre alarmant qui témoigne du désespoir qui règne derrière les barreaux. Regina Coeli détient le triste record du nombre de suicides, le dernier en date remontant à septembre dernier.
Un système judiciaire à bout de souffle
Les racines du mal sont profondes et ancrées dans les dysfonctionnements chroniques de la justice italienne. Retards, lenteurs procédurales, manque de moyens… Les prisons comme Regina Coeli se retrouvent engorgées par les détentions provisoires qui s’éternisent et les libérations anticipées qui n’arrivent pas. Un tiers des détenus sont étrangers, souvent en situation précaire, ce qui complique encore leur prise en charge.
“Aujourd’hui, les prisons sont un vaste conteneur où tout finit… une sorte d’assistance sociale pour la société.”
– Gennarino De Fazio, responsable syndical UILPA
Un gouvernement dépassé malgré les promesses
Conscient de l’urgence, le gouvernement de Giorgia Meloni avait promis des mesures fortes pour endiguer le fléau. Mais malgré les discours, la situation ne fait qu’empirer. La population carcérale ne cesse d’augmenter, atteignant 62 110 détenus pour seulement 50 900 places. Les 1000 nouveaux gardiens promis sur deux ans ne suffiront pas à combler le déficit abyssal de 18 000 agents pénitentiaires à l’échelle nationale.
Pire encore, certains experts craignent que les nouvelles mesures sécuritaires, comme l’allongement des peines, n’aggravent l’engorgement au lieu de le résorber. Face à un gouvernement dépassé, les appels à une réforme en profondeur du système carcéral se multiplient. Mais en attendant, l’enfer continue pour les détenus et le personnel de Regina Coeli, prisonniers d’un système à la dérive.