Alors que la guerre fait rage au Soudan depuis avril 2023, l’Égypte est devenue, presque malgré elle, la principale terre d’asile pour les réfugiés soudanais. Selon les derniers chiffres du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), le pays des pharaons abrite désormais plus de 1,2 million de Soudanais ayant fui les combats meurtriers qui ravagent leur patrie. Un chiffre vertigineux qui ne cesse de croître, puisque des centaines de personnes continuent de franchir illégalement chaque jour la frontière égypto-soudanaise, bravant tous les dangers dans l’espoir d’un avenir meilleur.
Une pression démographique et humanitaire colossale
Cette situation pose un défi immense aux autorités égyptiennes, qui doivent gérer cet afflux massif de populations vulnérables avec des moyens limités. Car si le gouvernement a d’abord facilité l’entrée des Soudanais en n’exigeant pas de visa pour les femmes, les enfants et les hommes de plus de 50 ans, il a dû se résoudre en mai dernier à imposer un visa d’entrée pour tous face à l’ampleur du phénomène. Mais rien n’y fait : motivés par l’instinct de survie, des milliers de civils prennent tous les risques pour gagner le territoire égyptien, quitte à emprunter des voies clandestines à travers le désert.
D’après des témoignages recueillis par l’AFP, des centaines de Soudanais débarquent ainsi quotidiennement dans le centre du Caire après un périple épuisant en camion, dans des conditions souvent indignes. Une fois arrivés, beaucoup tentent de régulariser leur situation en s’enregistrant auprès du HCR. Mais les délais s’allongent face à l’explosion du nombre de demandeurs d’asile.
Le fardeau qui pèse sur l’Égypte est insoutenable et nécessite une aide internationale immédiate et substantielle pour assurer la protection et le bien-être des personnes touchées par le conflit.
Hanan Hamdan, représentante du HCR auprès de l’Égypte et la Ligue arabe
Le Caire et Alexandrie, principaux lieux d’accueil
Actuellement, les réfugiés soudanais officiellement enregistrés sont au nombre de 546 746 sur une population totale de réfugiés de 827 644 répartis entre 95 nationalités, soit les deux tiers. Ils se concentrent principalement au Caire et sa banlieue, ainsi qu’à Alexandrie et Assouan dans le sud du pays.
Cette arrivée ininterrompue de déplacés exerce une pression immense sur les ressources et les infrastructures égyptiennes, déjà mises à rude épreuve par les difficultés économiques qui frappent le pays. Le HCR tire la sonnette d’alarme et appelle la communauté internationale à intensifier son soutien pour permettre à l’Égypte de continuer à accueillir dignement ces populations en détresse.
Un sous-financement chronique de l’aide humanitaire
D’autant que l’aide internationale peine à répondre à l’ampleur des besoins. Ainsi, le plan 2024 d’aide humanitaire dédié au Soudan n’a été financé qu’à hauteur de 1,52 milliard de dollars, soit à peine 56,3% des 2,7 milliards requis. Un manque de moyens qui risque d’aggraver encore la précarité et la vulnérabilité des réfugiés, en particulier des femmes et des enfants, premières victimes de l’exil forcé.
Face à cette crise humanitaire majeure, un sursaut de solidarité apparaît indispensable pour éviter que le drame soudanais ne se transforme en catastrophe régionale. Car si l’Égypte porte aujourd’hui la plus lourde charge, d’autres pays voisins comme le Soudan du Sud, le Tchad et la Libye voient également affluer chaque jour leur lot de réfugiés vulnérables et démunis. Un défi colossal à l’échelle d’un continent.
Un conflit soudanais aux lourdes conséquences humaines
Rappelons qu’au Soudan, les combats opposent depuis quatre mois l’armée régulière du général Abdel Fattah al-Burhane aux paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) de Mohamed Hamdan Daglo. Un bras de fer sanglant dont le bilan provisoire s’élèverait à des dizaines de milliers de morts et qui a déjà jeté plus de 11 millions de personnes sur les routes, soit près d’un Soudanais sur 4.
Parmi ces déplacés, 3,1 millions ont pris le chemin de l’exil, avec l’espoir ténu de trouver la paix et la sécurité au-delà des frontières de leur pays meurtri. L’Égypte, de par sa proximité géographique et ses liens historiques avec le Soudan, est devenue pour beaucoup un ultime refuge. Mais à quel prix, alors que ce petit pays est lui-même confronté à de graves difficultés ?
Une chose est sûre : sans une mobilisation urgente et massive de la communauté internationale, le sort de ces millions de civils innocents risque de devenir rapidement intenable. Un défi humanitaire qui nous concerne tous et qui ne pourra être relevé qu’au prix d’une solidarité sans faille envers ces populations en souffrance. Le temps presse, car chaque jour qui passe apporte son lot de drames et de détresses supplémentaires aux portes de l’Égypte et des pays voisins. Il est plus que jamais vital d’agir, avant que l’irréparable ne soit commis.