C’est un petit pas pour l’Église, un grand pas pour les homosexuels italiens qui se sentent appelés par la prêtrise. La Conférence épiscopale italienne (CEI) vient d’ouvrir prudemment la porte des séminaires aux jeunes gays, non sans poser de strictes conditions. De nouvelles règles publiées jeudi, et approuvées par le Vatican, autorisent en effet l’ordination d’hommes ayant des « tendances homosexuelles », mais pas s’ils « soutiennent la soi-disant culture gay ».
Une ouverture très encadrée
Concrètement, les candidats à la prêtrise pourront donc être ordonnés malgré leur orientation sexuelle, à condition de la garder pour eux et de ne pas en faire un étendard. Pas question de s’afficher ouvertement gay ou de militer pour la cause LGBT+ une fois revêtu de la soutane. Un coming-out condamnerait de fait les séminaristes et prêtres homosexuels à vivre cachés, dans la hantise d’être découverts et chassés des ordres.
Cette politique en demi-teinte n’est pas sans rappeler celle du « Don’t ask, don’t tell » longtemps appliquée dans l’armée américaine envers les soldats gays. Si elle constitue indéniablement une avancée pour une institution aussi conservatrice que l’Église catholique, elle reste très en-deçà d’une véritable acceptation de l’homosexualité en son sein.
Le pape avait tenu des propos insultants
Le pape François lui-même avait fait scandale en 2024 en employant à deux reprises un terme vulgaire et méprisant envers les homosexuels qui souhaitaient entrer dans les ordres. Lors de rencontres privées avec le clergé, le souverain pontife avait utilisé le mot « frociaggine », une insulte dérivée d’un terme argotique signifiant « pédé » en dialecte romain. Avant de conseiller aux gays aspirant à la prêtrise d’aller consulter « un bon père spirituel » ou « un psychologue », plutôt que d’intégrer un séminaire.
Des excuses embarrassées du Vatican et une tentative de rattrapage en juin dernier n’ont pas suffi à faire oublier ces propos blessants, ni à masquer le malaise de l’Église face à la question de l’homosexualité. Si les unions gay se sont généralisées dans les sociétés occidentales, l’institution catholique peine toujours à opérer sa mue sur le sujet.
Une doctrine appelée à évoluer ?
Les nouvelles règles de la CEI, aussi restrictives soient-elles, marquent néanmoins une étape vers une plus grande ouverture. Jusqu’ici, l’homosexualité constituait un obstacle rédhibitoire à toute ordination. En reconnaissant, même du bout des lèvres, que l’on peut être gay et prêtre, l’Église italienne entrouvre timidement la porte à une évolution doctrinale. Sans bouleverser un édifice multi-séculaire, Rome esquisse les prémices d’un changement de regard.
Mais le chemin sera long. Les propos désobligeants du pape l’an dernier ont montré la persistance de préjugés homophobes au plus haut niveau de la hiérarchie ecclésiale. Malgré des appels à plus de tolérance, le Vatican reste arc-bouté sur une vision traditionnelle de la sexualité et du célibat sacerdotal. Pour l’heure, les jeunes italiens attirés par la prêtrise devront composer avec leur orientation sexuelle dans la plus grande discrétion. Un coming-out reste inenvisageable.
Gageons toutefois que l’amorce d’ouverture initiée par la CEI fasse des émules. D’autres conférences épiscopales pourraient suivre l’exemple transalpin et assouplir leurs critères d’admission. Le débat est lancé au sein de l’Église. Sans faire de bruit, les lignes commencent timidement à bouger. L’évolution doctrinale sur l’homosexualité est peut-être en marche. Mais il faudra du temps pour que l’institution catholique accorde pleinement aux prêtres gays le droit d’être eux-mêmes.
