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L’Église catholique demande l’ouverture d’une enquête sur l’abbé Pierre

L'Église catholique a demandé l'ouverture d'une enquête sur l'abbé Pierre après de nouvelles révélations de violences sexuelles. Le fondateur d'Emmaüs est visé par 33 témoignages au total. Le président de la Conférence des évêques appelle à aller "jusqu'au bout de la vérité"...

Un séisme a ébranlé l’Église catholique française cette semaine. Après l’ouverture de ses archives et de nouvelles révélations accablantes, l’institution religieuse a pris une mesure à la symbolique forte en demandant à la justice d’ouvrir une enquête sur l’abbé Pierre, figure iconique et fondateur d’Emmaüs, décédé en 2007. Selon un nouveau rapport du cabinet Egaé, mandaté par Emmaüs, l’abbé Pierre est visé par 9 accusations supplémentaires de violences sexuelles, portant le total à 33 témoignages depuis juillet.

Parmi ces nouvelles révélations, une membre de la famille de l’abbé Pierre assure avoir subi de sa part des « contacts sexuels sur ses seins et sa bouche » à la fin des années 90. Un autre témoignage fait état d’un « acte sexuel avec pénétration sur un garçon mineur ». Des faits d’une extrême gravité qui dressent le portrait d’un « prédateur » selon Emmaüs.

L’Église saisit la justice pour faire la lumière

Face à ces accusations, l’Église catholique a décidé d’agir. Mardi, le président de la Conférence des évêques de France (CEF) Éric de Moulins-Beaufort a saisi la justice en écrivant un signalement au procureur de Paris. Il lui demande de réfléchir à ouvrir une enquête sur l’abbé Pierre pour « non-dénonciation de viols et agressions sexuelles sur personnes vulnérables et mineurs », mais aussi pour identifier « d’éventuelles autres victimes ou éventuels complices ».

Le responsable religieux a expliqué cette démarche par la volonté d’aller « jusqu’au bout de la vérité », soulignant que le parquet dispose de moyens d’investigation bien plus larges qu’une commission d’enquête historique comme celle mise en place par Emmaüs en janvier. Cette dernière a débuté ses travaux pour une durée prévisible de deux ans.

Le choc des révélations successives

Depuis le premier rapport du cabinet Egaé en juillet, qui avait créé une véritable déflagration, chaque nouvelle publication semble franchir un palier supplémentaire dans l’horreur. À chaque fois, c’est un nouveau « seuil dans la découverte de ce qu’il a pu faire » selon Mgr de Moulins-Beaufort, dévoilant « une sorte de système qu’il semble avoir construit ».

Une situation intenable pour l’Église, sous pression depuis l’été pour faire toute la lumière sur ces agissements et le silence qui les a entourés. Si le président de la CEF assure que l’affaire n’était pas de notoriété publique au sein de l’institution, il reconnaît que quelques évêques ont pu être au courant de comportements problématiques à l’époque.

Une enquête aux issues incertaines

Malgré la volonté affichée d’aller au bout, une action en justice risque de se heurter à de nombreux obstacles. L’ancienneté des faits, remontant pour certains aux années 50, rend très probable la prescription de toute infraction éventuelle. De plus, le décès de l’abbé Pierre en 2007 entraîne l’extinction de toute poursuite le concernant.

Reste la question des personnes qui n’ont pas dénoncé ces actes à l’époque. Mais là aussi, le temps écoulé complique grandement les choses d’un point de vue légal, même si le calcul des délais de prescription est toujours compliqué en la matière.

L’Église ouvre ses archives et tend la main aux victimes

Pour tenter de faire la lumière malgré tout, l’Église a décidé d’ouvrir en septembre ses archives sur l’abbé Pierre, dérogeant au délai habituel de 75 ans. Mais le mince dossier consulté par la presse évoque bien un comportement « problématique » sans jamais en expliciter la nature.

Vendredi, le président de la CEF a une nouvelle fois tendu la main aux victimes, leur disant sa « peine immense ». Il a incité « toute personne qui aurait subi des violences sexuelles de la part de l’abbé Pierre à se manifester si elle le souhaite » auprès des dispositifs d’écoute de l’Église ou d’Emmaüs.

Un geste nécessaire mais sans doute insuffisant pour refermer les plaies ouvertes par ce scandale qui entache durablement la mémoire d’une figure majeure du catholicisme français. L’onde de choc promet de se propager encore, entre révélations à venir et conclusions des différentes enquêtes lancées. Avec toujours cette question en suspens : comment une telle omerta a-t-elle pu perdurer si longtemps au sein de l’Église ?

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