Ce dimanche 30 avril, les Sénégalais se rendent aux urnes pour désigner leurs représentants à l’Assemblée nationale. Un scrutin crucial pour le nouveau pouvoir en place depuis à peine huit mois, qui espère décrocher une large majorité parlementaire afin de disposer des coudées franches pour mettre en œuvre son ambitieux programme.
Les enjeux d’un scrutin pas comme les autres
Dans les bureaux de vote de la capitale Dakar, les électeurs font la queue avec un mélange de fébrilité et de détermination. Car ils le savent, ces législatives sont loin d’être ordinaires. Les quelques 7,3 millions d’inscrits ont entre leurs mains le destin du projet de “rupture” et de “justice sociale” porté par le nouveau président, Bassirou Diomaye Faye, et son charismatique Premier ministre, Ousmane Sonko.
Venus du militantisme et portés au pouvoir en mars dernier par une vague de fond en faveur du changement, ces deux avocats d’un “panafricanisme de gauche” ont besoin d’une majorité confortable à l’Assemblée pour avoir les mains libres. Une nécessité pour réviser la Constitution comme ils s’y sont engagés, mais aussi éventuellement pour lancer des poursuites contre l’ex-président Macky Sall.
Huit mois de cohabitation houleuse
Car depuis son arrivée au pouvoir, l’attelage Faye-Sonko a dû composer avec un parlement dominé par les soutiens de l’ancien régime. Une cohabitation tendue qui a paralysé l’action gouvernementale pendant des mois. Dès que les délais légaux l’ont permis, en septembre dernier, le chef de l’État a donc dissous l’Assemblée, ouvrant la voie à ces élections anticipées.
Dans ce bras de fer, le gouvernement joue gros. Comme le souligne un proche du pouvoir, “une victoire large dimanche nous donnera la légitimité et les moyens d’accélérer les réformes promises. À l’inverse, une assemblée hostile ou même sans majorité claire compliquerait considérablement la tâche.”
L’opposition met en garde contre un “pouvoir hégémonique”
Face à ces ambitions, l’opposition ne cache pas ses craintes. Ses leaders agitent le spectre d’une dérive autoritaire et d’un “pouvoir hégémonique” si l’exécutif obtenait tous les leviers. “Confier un blanc-seing à un pouvoir extrémiste et incompétent, ce serait un terrible cadeau empoisonné pour notre démocratie”, alerte une figure de la coalition d’opposition.
Pourtant, si l’on en croit les analystes, la logique des urnes devrait une nouvelle fois jouer en faveur du pouvoir en place. “Historiquement, les Sénégalais donnent au parti présidentiel une majorité de députés pour gouverner”, rappelle un politologue.
La soif de changement, toujours moteur
Dans les files d’attente devant les isoloirs, la soif de changement semble toujours être le moteur principal. “J’espère que la coalition du Premier ministre obtiendra une large majorité, pour avoir les moyens de transformer le pays. La priorité, c’est de s’attaquer au chômage des jeunes”, confie Pascal, 56 ans.
C’est en tout cas le pari du pouvoir : que l’élan du mois de mars se confirmera dans les urnes ce dimanche. Les bureaux de vote ferment à 18h. Des projections fiables devraient être disponibles dans la nuit ou lundi matin. Le Sénégal saura alors quelle Assemblée se dressera face à son “gouvernement de combat”, et avec quelle marge de manœuvre celui-ci pourra mettre en musique sa partition de rupture.