Au lendemain des élections législatives en Roumanie, l’avenir politique du pays reste très incertain. Le scrutin a en effet débouché sur un parlement fragmenté, marqué par une forte poussée de l’extrême droite nationaliste. Un résultat qui sème le trouble alors que le second tour de la présidentielle doit se tenir dans une semaine, sous réserve d’une décision de justice.
Des sociaux-démocrates en tête mais loin de la majorité
Avec 22% des suffrages selon des résultats quasi définitifs, le Parti social-démocrate (PSD), héritier de l’ancien parti communiste, arrive certes en tête de ces législatives. Mais il est loin de décrocher une majorité stable pour former un gouvernement. Juste derrière, le parti d’extrême droite AUR réalise une percée spectaculaire avec 18% des voix.
Au total, le bloc des partis nationalistes dépasse les 30%, soit plus du triple de son score de 2020. Du jamais vu depuis la chute du communisme en 1989. Ce succès illustre la colère d’une grande partie de la population face à la crise économique, la guerre aux portes du pays et une classe politique traditionnelle jugée déconnectée.
Un parlement ultra morcelé qui présage de l’instabilité
Pour les experts, la future assemblée sera extrêmement divisée, sans aucun parti en position de force. Même le PSD devra s’allier avec au moins deux autres formations pour espérer gouverner. Les partis d’extrême droite, bien que premiers en terme de sièges, sont eux aussi trop divisés pour peser réellement sans allié.
Ce morcellement laisse présager une grande instabilité à court et moyen terme pour la Roumanie. Plusieurs responsables politiques appellent de leurs vœux un « gouvernement d’unité nationale » pro-européen pour tenter de stabiliser le pays. Mais tout dépendra de l’issue de la présidentielle qui doit encore se jouer.
Une présidentielle sous haute tension
Le second tour doit en effet opposer dimanche prochain la candidate centriste Elena Lasconi à la surprise Calin Georgescu, issu de l’extrême droite. La victoire de ce dernier, admirateur de Poutine et opposé aux vaccins, inquiète fortement en Europe. La Roumanie est un pays stratégique, frontalier de l’Ukraine et membre de l’UE comme de l’OTAN.
Pour l’instant, les jeux restent très ouverts entre les deux finalistes, le PSD n’ayant pas clairement affiché son soutien à Elena Lasconi. La jeunesse roumaine est elle descendue dans la rue pour s’opposer à la menace Georgescu. Mais un rebondissement de dernière minute pourrait encore tout bouleverser.
Une épée de Damoclès judiciaire sur le scrutin
La Cour constitutionnelle examine en effet ce lundi une demande d’annulation du premier tour, qui pourrait entraîner un report au 15 décembre, avec un second tour repoussé au 29. Les juges ont réclamé la semaine passée un nouveau décompte des voix, l’intégrité du vote étant remise en question.
Certains accusent la Russie d’avoir influencé le scrutin, notamment via TikTok qui aurait favorisé Calin Georgescu. La plateforme, propriété du groupe chinois ByteDance, a démenti catégoriquement. Mais le doute est instillé.
Les Roumains entre espoirs et inquiétudes
Au final, personne ne sait de quoi demain sera fait en Roumanie. Certains, comme Doina Matei, 71 ans, veulent croire que cette élection est « un signe divin nous intimant d’arrêter de nous quereller » pour s’unir et redevenir « rationnels ». D’autres redoutent une aggravation des divisions, voire une déstabilisation du pays.
Une chose est sûre : la Roumanie a plus que jamais besoin de clarté et de stabilité pour affronter les défis économiques et géopolitiques qui s’annoncent. Mais le chemin s’annonce semé d’embûches, dans un climat politique délétère. Les prochaines semaines seront décisives pour l’avenir du pays.