L’Irlande se prépare à vivre une campagne législative intense et resserrée. Vendredi, le président Michael Higgins a dissout la chambre basse du Parlement sur demande du Premier ministre Simon Harris, du parti de centre-droit Fine Gael. Cette décision marque le lancement officiel d’une course électorale éclair de trois semaines en vue des élections anticipées fixées au 29 novembre.
Selon les observateurs, deux enjeux majeurs devraient dominer les débats dans ce pays de 5,2 millions d’habitants : l’immigration, qui a atteint son plus haut niveau depuis 17 ans, et la crise persistante du logement. Le manque de logements abordables et la flambée du coût de la vie ont en effet nourri un fort ressentiment envers les nouveaux arrivants.
Le Fine Gael en pole position
Malgré ce contexte tendu, le Fine Gael part favori pour conserver le pouvoir qu’il détient sans discontinuer depuis 2011. En choisissant d’avancer le scrutin, Simon Harris, 38 ans, espère capitaliser sur l’élan retrouvé de son parti depuis qu’il en a pris les rênes en mars. Plus jeune chef de gouvernement de l’histoire du pays, il est parvenu à redynamiser sa formation et à doper ses intentions de vote.
Lors des dernières élections en 2020, le Fine Gael avait terminé troisième, derrière le Sinn Fein, l’ex-vitrine politique de l’Armée républicaine irlandaise (IRA), et le Fianna Fail, autre parti de centre-droit. Ces deux formations avaient alors noué une alliance inédite avec les Verts pour former un gouvernement.
Le Sinn Fein en perte de vitesse
Mais cette fois, les cartes semblent rebattues. Sous l’impulsion de Simon Harris, le Fine Gael a effectué une remontada spectaculaire dans les sondages. Il devance désormais nettement le Fianna Fail ainsi que le Sinn Fein, qui paie notamment son positionnement favorable à l’accueil des migrants.
Après un siècle de Fianna Fail et de Fine Gael, il est temps de changer, de donner au Sinn Fein la possibilité de diriger et de réaliser ses promesses.
Mary-Lou McDonald, présidente du Sinn Fein
Malgré sa dégringolade dans les enquêtes d’opinion, la leader du Sinn Fein Mary-Lou McDonald continue de plaider pour l’alternance :
De son côté, le Premier ministre Simon Harris a souligné vendredi qu’aucune formation n’avait remporté de majorité absolue en Irlande depuis les années 1970 et qu’il ne s’attend pas à ce que cela change lors de ce scrutin. Il a identifié la pénurie de logements, la petite enfance et l’immigration comme ses priorités.
Un climat tendu sur la question migratoire
L’arrivée et l’hébergement des demandeurs d’asile sont devenus des sujets particulièrement sensibles en Irlande. Dans ce contexte, l’exécutif entend montrer sa fermeté sur le contrôle des flux migratoires, comme l’a expliqué Simon Harris :
Notre pays a bénéficié de l’immigration, mais je pense que les Irlandais voudront savoir qu’il existe des règles et comment nous allons mettre en place un système plus efficace, plus juste et plus ferme.
Simon Harris, Premier ministre irlandais
Il faut dire que la colère gronde dans une partie de la population. Il y a un an, une nuit d’émeutes avait éclaté à Dublin après une attaque au couteau devant une école. Des sites d’accueil de demandeurs d’asile avaient été visés. L’auteur des coups de couteau, un Irlandais issu de l’immigration, avait blessé trois enfants et un adulte. Des groupes d’extrême droite avaient ensuite appelé à manifester sur les réseaux sociaux.
Des propositions attendues sur le logement
Outre l’immigration, l’autre grand défi de l’Irlande reste la crise du logement. L’envolée des loyers et des prix de l’immobilier pèse lourdement sur les ménages, déjà fragilisés par la hausse du coût de la vie. De nombreux foyers peinent à se loger, faute de logements suffisants et abordables sur le marché.
Face à cette situation préoccupante, les principaux partis sont attendus sur leurs propositions. Le Fine Gael insiste notamment sur l’accélération de la construction de logements neufs et une meilleure régulation du marché locatif. Le Sinn Fein, de son côté, prône un encadrement plus strict des loyers et un renforcement du parc de logements publics et sociaux.
Une course électorale resserrée
A moins d’un mois du scrutin, la course électorale s’annonce serrée. Si le Fine Gael caracole en tête des intentions de vote, il n’est pas assuré de décrocher une majorité absolue. Une nouvelle coalition sera probablement nécessaire pour gouverner.
Le Fianna Fail, malgré son léger recul, espère rebondir en capitalisant sur son ancrage local et son expérience gouvernementale. De son côté, le Sinn Fein cherchera à mobiliser son électorat populaire en dénonçant l’action d’un gouvernement jugé défaillant. Les petits partis et les indépendants pourraient aussi jouer les arbitres en cas de parlement fragmenté.
Une chose est sûre : l’issue de ces élections législatives aura un impact déterminant sur la manière dont l’Irlande relèvera ses défis économiques et sociaux des prochaines années. Immigration, logement, coût de la vie… Les thèmes de campagne résonnent avec les préoccupations quotidiennes des Irlandais. Les prochaines semaines permettront de prendre la mesure des propositions et de la vision de chaque camp. Réponse dans les urnes le 29 novembre.