Les élections législatives à Maurice ont réservé une surprise de taille ce mardi, avec la victoire revendiquée par l’opposition menée par Navin Ramgoolam. Un triomphe admis même par le Premier ministre sortant Pravind Kumar Jugnauth, qui a reconnu la large défaite de son camp. Un séisme politique qui ouvre un nouveau chapitre pour cet archipel de l’océan Indien, souvent cité en exemple pour sa stabilité et sa prospérité sur le continent africain.
Une campagne sous haute tension
Cette douzième élection générale depuis l’indépendance de Maurice en 1968 s’est déroulée dans un contexte particulièrement tendu. Si le coût de la vie et la nécessité de diversifier l’économie ont été au cœur des débats, c’est surtout l’affaire des écoutes téléphoniques qui a enflammé la campagne. Des extraits de conversations privées impliquant des politiques, diplomates, journalistes et membres de la société civile ont fuité sur les réseaux sociaux en octobre, éclaboussant le pouvoir en place.
Le triomphe de l’Alliance du changement
Face à cette polémique, l’Alliance du changement constituée autour du Parti travailliste de Navin Ramgoolam, 77 ans, a su tirer son épingle du jeu. Aux cris de “60-0” scandés par ses partisans, l’ancien Premier ministre a revendiqué un raz-de-marée électoral, balayant les 60 sièges mis en jeu sur l’île principale. “Le pouvoir du peuple est plus fort qu’une dictature”, s’est-il félicité.
J’espère que PKJ (Pravind Kumar Jugnauth) va bientôt démissionner. Il a été battu 60-0.
Navin Ramgoolam, chef de l’opposition mauricienne
Un aveu de défaite du pouvoir sortant
Du côté du gouvernement, c’est la douche froide. Avant même la publication des résultats officiels, le Premier ministre Pravind Jugnauth a dû se résoudre à concéder la défaite de son Alliance Lepep, menée par le Mouvement socialiste militant (MSM). Un espoir douché pour celui qui pensait profiter dans les urnes de l’accord “historique” tout juste conclu avec Londres sur la souveraineté de l’archipel des Chagos, territoire mauricien sous contrôle britannique depuis plus de 50 ans.
Cap sur les réformes
Au-delà de la satisfaction d’avoir fait chuter le clan Jugnauth, qui règne en maître sur la politique mauricienne depuis des décennies, Navin Ramgoolam sait que de lourds défis l’attendent. Son programme promet d’améliorer le quotidien des Mauriciens, confrontés à la flambée des prix malgré une croissance au beau fixe. Parmi ses engagements :
- Un fonds de soutien aux familles en difficulté
- La gratuité des transports publics
- La hausse des retraites
- La baisse du prix des carburants
- Des mesures anti-corruption et en faveur de l’économie verte
Mais c’est surtout sur le plan institutionnel que le changement est attendu. L’Alliance appelle à une réforme en profondeur de la Constitution et du mode de scrutin, jugé peu représentatif. L’élection du président et du président du Parlement est notamment dans le viseur.
La communauté internationale aux aguets
Plusieurs missions d’observation, dépêchées pour surveiller la régularité du scrutin, doivent rendre leurs conclusions ce mardi. Leurs rapports seront scrutés avec attention par les chancelleries étrangères, à commencer par l’Inde, qui entretient des liens étroits avec son ancienne colonie. Le Premier ministre indien Narendra Modi a d’ailleurs été le premier à féliciter Navin Ramgoolam, lui-même d’origine indienne, l’invitant à venir à New Delhi pour “renforcer notre partenariat spécial et unique”.
Une nouvelle ère s’ouvre donc pour Maurice, petit État insulaire réputé pour sa stabilité et son niveau de développement enviable. Reste à voir si l’élan réformateur porté par l’opposition se traduira en actes, pour répondre aux aspirations d’une population en quête de renouveau. Les mois à venir s’annoncent décisifs pour l’avenir de la démocratie mauricienne.