À moins d’un an des élections législatives de 2024, les partis politiques français sont d’ores et déjà confrontés à un casse-tête de taille : comment gérer les investitures de candidats aux propos ou au passé controversés ? Si la question peut paraître purement politique, elle soulève en réalité de nombreux enjeux juridiques qui divisent les états-majors.
Des polémiques qui éclaboussent les partis
Ces dernières semaines, plusieurs candidats investis par le Rassemblement National et Les Républicains ont défrayé la chronique pour des publications jugées antisémites ou négationnistes. Des dérapages qui ont immédiatement provoqué l’indignation, poussant les directions de partis à se désolidariser des candidats mis en cause.
Le gaz a rendu justice aux victimes de la Shoah.
– Tweet de Joseph Martin, investi par le RN dans le Morbihan
Face au tollé, Jordan Bardella et Éric Ciotti ont rapidement annoncé vouloir retirer l’investiture aux candidats concernés. Une décision en apparence logique, mais qui se heurte en réalité à une impasse juridique. Car une fois accordée, une investiture ne peut être retirée si facilement.
Une procédure d’investiture très encadrée
Le choix des candidats pour les élections législatives répond à des règles très précises, dictées par les statuts de chaque parti. Une fois un candidat officiellement investi, le retrait de cette investiture s’avère extrêmement complexe d’un point de vue légal, voire impossible.
- Les candidats doivent respecter les critères fixés par les partis
- L’investiture est accordée après un processus de validation interne
- Le retrait d’une investiture n’est pas prévu par les statuts
Certains partis, comme La République en Marche, ont certes instauré une commission d’éthique interne capable de retirer l’investiture à un candidat. Mais cette option reste très rarement utilisée, et n’existe pas dans la plupart des formations politiques.
La crainte d’un “tribunal politique”
Au-delà des aspects juridiques, la question du retrait d’investiture soulève aussi des enjeux politiques majeurs. Beaucoup redoutent la mise en place d’une forme de “tribunal politique” au sein des partis, chargé d’évaluer la moralité de chaque candidat.
On ne peut pas décider de retirer une investiture sur simple pression médiatique ou sur un tweet. Cela ouvrirait la porte à tous les dérapages.
– Un cadre du Rassemblement National
De plus, les partis craignent qu’un retrait d’investiture soit interprété comme un aveu de faiblesse, voire un désaveu de leur processus de sélection initial. Un argument qui ne convainc pas leurs opposants, pour qui la responsabilité politique doit primer.
Trouver de nouveaux garde-fous
Face à ce dilemme, de plus en plus de voix s’élèvent pour réclamer une réforme des règles d’investiture, afin d’y introduire des garde-fous permettant d’écarter plus facilement les candidats problématiques. Une piste qui séduit certains, mais soulève aussi des inquiétudes.
- Instaurer des critères plus stricts pour les investitures ?
- Permettre un retrait d’investiture sous certaines conditions ?
- Renforcer le contrôle en amont des candidatures ?
Autant de questions auxquelles les partis devront répondre rapidement, alors que la campagne des législatives s’annonce déjà particulièrement tendue. Car au-delà des enjeux électoraux, c’est bien la crédibilité du système politique dans son ensemble qui se joue à travers ces polémiques à répétition.
À moins d’un an du scrutin, l’épineuse question des investitures promet donc d’agiter encore de nombreux états-majors. Avec un défi de taille pour les partis : trouver le juste équilibre entre responsabilité politique et respect du droit. Un exercice périlleux, qui pourrait peser lourd dans la campagne à venir.