Les résultats du premier tour des élections législatives anticipées de 2024 ont frappé comme un coup de tonnerre dans le ciel politique français. Avec un nombre record de votants et un Rassemblement National arrivé en tête, la donne politique s’en trouve profondément changée. Mais au-delà des scores, c’est la transformation en profondeur du parti de Marine Le Pen qui interpelle. Une mue que le président Emmanuel Macron semble avoir manqué.
Une nouvelle géographie électorale pour le RN
Autrefois cantonné à ses fiefs traditionnels du Nord et du Sud-Est, le Rassemblement National a cette fois réalisé des percées spectaculaires dans des zones qui lui étaient jusqu’ici peu favorables. De l’Alsace à la Bretagne en passant par les bassins ouvriers désindustrialisés, Marine Le Pen a su capter un électorat bien plus large qu’auparavant.
Le RN n’est plus le parti du Sud et des côtes. C’est désormais un mouvement qui s’enracine dans les territoires les plus divers.
Un politologue
La fin de l’exception française
Longtemps, la France s’est distinguée en Europe par sa résistance à l’implantation durable de l’extrême-droite au niveau national. Mais avec près de 30% des suffrages, le RN démontre qu’il a su normaliser son image et devenir une alternative crédible pour une part croissante des Français.
- Un travail de dédiabolisation entamé il y a plusieurs années
- Un recentrage sur les préoccupations quotidiennes des Français
- Un discours adouci, notamment sur les questions européennes
Une sociologie électorale chamboulée
Plus surprenant encore, le RN semble avoir opéré un renversement dans la composition de son électorat. Historiquement porté par les catégories populaires, il séduit désormais aussi les classes moyennes fragilisées par les crises successives. À l’inverse, la macronie s’effrite chez les CSP+ qui avaient assuré la victoire d’Emmanuel Macron en 2017.
| Catégorie | RN 2022 | RN 2024 |
| Ouvriers | 44% | 39% |
| Professions intermédiaires | 23% | 31% |
Le piège de la dissolution pour Emmanuel Macron
En choisissant de dissoudre l’Assemblée suite à l’échec de ses réformes, le chef de l’État pensait remobiliser son camp et obtenir une majorité plus stable. C’est l’exact inverse qui s’est produit. Non seulement la macronie est en net recul, mais son électorat apparaît démobilisé quand celui du RN a massivement répondu présent.
Emmanuel Macron paie au prix fort son incapacité à comprendre la transformation profonde de la société française et le nouveau visage du Rassemblement National.
Un proche du président
Le spectre d’une France ingouvernable
Au soir de ce premier tour, le scénario d’une absence de majorité absolue semble se dessiner. Entre un RN en position de force, une gauche revigorée par la NUPES et des macronistes en perte de vitesse, les équilibres promettent d’être précaires dans la future Assemblée. De quoi compliquer singulièrement la conduite des affaires du pays.
À une semaine du second tour, une certitude émerge : le paysage politique français est en train de vivre une recomposition accélérée, dont l’issue est plus incertaine que jamais. Le front républicain, jadis érigé en rempart contre l’extrême-droite, paraît lui aussi vaciller. Les “vieux” clivages explos en même temps que les certitudes. Place désormais à l’inconnu.
