C’est un duel au sommet qui se profile dans la 6e circonscription de Gironde pour les élections législatives anticipées du 30 juin et 7 juillet prochains. Dans ce territoire historiquement ancré à gauche mais qui a basculé pour la première fois en faveur du Rassemblement National aux dernières européennes, le député sortant de la majorité présidentielle Éric Poulliat (Renaissance) va devoir affronter une double menace : celle de l’extrême droite emmenée par Jimmy Bourlieux (RN) et celle de la coalition de gauche baptisée Nouveau Front Populaire et représentée localement par l’ex-députée PS Marie Récalde. Un match à trois qui s’annonce des plus serrés.
Renaissance en danger sur ses terres
Élu en 2017 dans le sillage de la victoire d’Emmanuel Macron à la présidentielle, Éric Poulliat sait que sa réélection est loin d’être acquise. Malgré un bilan qu’il juge solide, ce proche de Christophe Duprat, maire de Saint-Aubin-de-Médoc et secrétaire général de la fédération LR de Gironde, doit faire face à un climat national de dégagisme vis-à-vis du macronisme. « C’est le jeu politique » concède-t-il, sans pour autant baisser les bras.
En 2022, le candidat de la majorité présidentielle était arrivé en tête du premier tour avec 34,83% des voix, devant la Nupes (33,93%) et le RN (14,87%). Mais la donne a changé : aux européennes, dans un contexte de forte abstention, c’est la liste RN qui est arrivée en tête avec 24,22%, devant le PS (19,82%) et Renaissance (17,59%). De quoi relancer totalement les cartes en vue du 30 juin.
Une triangulaire n’a jamais été aussi possible.
Éric Poulliat, député sortant Renaissance
Le RN en embuscade
Fort de la dynamique des européennes, le candidat RN Jimmy Bourlieux croit plus que jamais en ses chances. Ce trentenaire, secrétaire départemental du RN, mise sur « un front républicain inversé contre l’extrême gauche qui défend la décroissance via les Verts et annonce plus d’impôts à travers LFI ». Il espère ainsi récupérer une partie de l’électorat LR non Ciottiste.
Mais surtout, Jimmy Bourlieux surfe sur la vague de rejet d’Emmanuel Macron : « Le principal problème de Monsieur Poulliat, c’est qu’il est le candidat d’Emmanuel Macron. Son électorat local s’est évaporé » assène-t-il. Son objectif est clair : créer la surprise en se qualifiant pour le second tour, ce qui serait une première dans cette circonscription.
Le NFP, l’autre inconnue
Le troisième larron de ce duel, c’est le Nouveau Front Populaire (NFP), cette alliance des gauches dans laquelle le PS a accepté de se fondre. Et c’est une figure locale qui portera ses couleurs : Marie Récalde, ex-députée PS de la circonscription entre 2012 et 2017, battue par Éric Poulliat il y a 5 ans.
Cette élue à la région, la métropole et la mairie de Mérignac assume ce choix, dans un contexte qu’elle juge inédit et inquiétant. « En 2022, je ne pouvais pas partir avec la Nupes car je suis sociale-démocrate. Le NFP est différent, je n’ai pas hésité une seconde. Il faut faire face au RN par l’union » explique-t-elle. Reste à savoir si cet attelage résistera à une éventuelle triangulaire, sur laquelle Marie Récalde ne s’engage pas à se retirer.
Vers une triangulaire explosive
Renaissance, RN, NFP : à un mois du premier tour, tous les scénarios restent ouverts dans cette 6e circonscription de Gironde qui concentre de nombreux enjeux nationaux. La participation sera évidemment une des clés, Éric Poulliat misant sur une mobilisation plus forte de son électorat qu’aux européennes pour contrer le RN.
Mais le rejet d’Emmanuel Macron et la poussée des extrêmes pourraient rebattre les cartes. Sans compter le NFP, qui espère surfer sur la dynamique du vote « utile » à gauche. Dans ce contexte, une triangulaire explosive semble de plus en plus probable, aucun des trois favoris ne semblant prêt à se désister en cas de qualification pour le second tour. Suspense garanti jusqu’au bout dans ce bastion de la Gironde, devenu en quelques années un véritable laboratoire politique.