Coup de tonnerre dans le paysage politique français ! De récents sondages de l’Ifop et du Cevipof mettent en lumière une tendance inquiétante : la jeunesse se radicalise à vitesse grand V, tournant résolument le dos au centre gauche. Mais cette polarisation cache-t-elle en réalité une droitisation massive de l’électorat ? Décryptage.
La France insoumise, aimant de la jeunesse
Prenons l’exemple du sondage Cevipof d’avril dernier, mené sur plus de 10 000 personnes. Le constat est sans appel : plus l’âge des sondés diminue, plus le score de La France insoumise grimpe en flèche. Chez les plus de 70 ans, LFI plafonne à 3%. Mais chez les 18-24 ans, le mouvement de Jean-Luc Mélenchon atteint des sommets avec 14% d’intentions de vote !
La jeunesse se sent de plus en plus éloignée des partis traditionnels, jugés déconnectés de ses aspirations. Elle se tourne donc naturellement vers les discours radicaux.
Bruno Cautrès, chercheur CNRS au Cevipof
Effondrement du centre gauche
Mais le succès de LFI ne doit pas masquer l’autre enseignement majeur de ces enquêtes : l’implosion spectaculaire des partis de centre gauche auprès des jeunes. Le Parti socialiste et Europe Écologie Les Verts font ainsi pâle figure, avec à peine 5% des voix chez les moins de 35 ans, contre encore 15% chez les seniors.
- PS : 5% chez les jeunes, 12% chez les plus de 60 ans
- EELV : 6% chez les jeunes, 9% chez les plus de 60 ans
Vers une bipolarisation de la vie politique ?
Ce double mouvement – poussée de LFI et chute du centre gauche – laisse craindre une bipolarisation de la vie politique française. D’un côté, une gauche de la gauche, furieusement opposée au “système”. De l’autre, une droite identitaire et sécuritaire. Au milieu, plus rien ou presque. Un scénario qui rappelle furieusement la situation à la veille du premier tour de la dernière élection présidentielle…
La tentation du vote RN
Mais le plus frappant est peut-être ailleurs. Car si la jeunesse boude le centre gauche, elle n’en reste pas moins sensible aux sirènes de l’extrême droite. Chez les moins de 35 ans, Marine Le Pen et Éric Zemmour cumulent ainsi près de 30% des intentions de vote. Preuve que chez les jeunes aussi, l’envie d’un vote contestataire, voire de “dégagisme”, est bien présente.
La jeunesse, thermomètre de la société
Plus que la gauche ou la droite, c’est donc bien un clivage entre “bloc élitaire” et “bloc populaire” qui semble se dessiner. Avec une jeunesse agissant comme un révélateur puissant des fractures de notre société. Une jeunesse qui peine à trouver sa place, précarisée par le chômage et la crise du logement. Et qui exprime son malaise grandissant dans les urnes.
Il y a un vrai risque de décrochage démocratique d’une partie de la jeunesse, qui ne croit plus en la politique pour améliorer son quotidien. C’est une bombe à retardement.
Anne Muxel, directrice de recherche au CNRS
Face à ce constat alarmant, il y a urgence à réconcilier la jeunesse avec la chose publique. À redonner un horizon à cette génération sacrifiée. Faute de quoi, le spectre d’une “insurrection qui vient”, pour reprendre le titre d’un brûlot du comité invisible, pourrait vite devenir réalité. Le compte à rebours est lancé.