C’est un pavé dans la mare que vient de lancer Antoine Gallimard. Dans un communiqué publié lundi, le célèbre éditeur a vivement dénoncé les attaques “diffamatoires” dont est victime Kamel Daoud, le récent lauréat du prix Goncourt 2024 pour son roman “Houris”. L’écrivain franco-algérien est en effet accusé par une victime de la sanglante guerre civile qui a ravagé l’Algérie dans les années 1990 d’avoir exploité son histoire personnelle et ses traumatismes pour nourrir son intrigue.
Mais Gallimard balaie ces reproches d’un revers de main. “Si Houris est inspiré de faits tragiques survenus en Algérie durant la guerre civile des années 1990, son intrigue, ses personnages et son héroïne sont purement fictionnels”, martèle l’éditeur. Selon lui, depuis la parution du livre, Kamel Daoud est la cible de “violentes campagnes diffamatoires orchestrées par certains médias proches d’un régime dont nul n’ignore la nature”.
Un prix Goncourt controversé
Le couronnement de “Houris” par le Goncourt le 4 novembre dernier n’a en effet pas manqué de faire des vagues, bien au-delà des frontières hexagonales. Le roman, qui revient sur les violences ayant ensanglanté l’Algérie pendant la “décennie noire” (1992-2002), tombe en effet sous le coup d’une loi algérienne interdisant tout ouvrage sur cette période traumatisante. Résultat : impossible pour Kamel Daoud de voir son livre édité dans son pays natal.
Mais les ennuis ne s’arrêtent pas là pour le romancier. D’après la presse algérienne, Saâda Arbane, une survivante d’un massacre perpétré pendant ces années noires et qui a été suivie par l’épouse psychiatre de Kamel Daoud, affirme s’être reconnue dans le personnage principal d'”Houris”. Des accusations balayées par Gallimard, pour qui l’épouse de l’écrivain “n’a aucunement sourcé l’écriture” du roman.
Un roman sombre et poignant
“Houris”, du nom donné dans l’islam aux vierges promises au paradis, suit le destin d’Aube, une jeune Oranaise devenue muette depuis qu’un terroriste islamiste lui a tranché la gorge un soir du 31 décembre 1999. Un récit poignant et sombre, servi par la plume incisive de Kamel Daoud, déjà remarqué en 2013 avec “Meursault, contre-enquête”.
Malgré le scandale qui l’entoure, ou peut-être grâce à lui, le roman s’arrache en librairie. Preuve que la littérature reste un formidable espace de débat et de réflexion pour panser les plaies du passé. Même si certains préfèreraient les garder enfouies…