Nommé premier ministre il y a une semaine avec pour mission de former un « gouvernement d’intérêt général », François Bayrou se trouve déjà dans une position plus fragile que son prédécesseur Michel Barnier. Malgré d’intenses tractations menées jusqu’à tard vendredi soir, le centriste peine à concrétiser l’élargissement espéré, notamment vers la gauche sociale-démocrate. Un échec qui plombe ses ambitions présidentielles.
Un Pari Risqué Pour Bayrou
En acceptant de prendre les rênes d’un gouvernement minoritaire, François Bayrou savait qu’il prenait un risque. Mais le Béarnais était convaincu de pouvoir réussir là où Michel Barnier avait échoué : rassembler au-delà du périmètre de la majorité actuelle, en particulier vers le centre gauche. Une ambition affichée dès le 28 septembre dernier, lors de la rentrée de son parti le MoDem.
« Il faut un large rassemblement incluant la gauche sociale-démocrate », avait-il alors plaidé, aux côtés de l’ancien premier ministre socialiste Bernard Cazeneuve. Trois mois plus tard, le constat est amer. Malgré un tour de table des forces politiques achevé jeudi soir, les discussions patinent. Aucun accord d’ensemble n’a été trouvé, hormis avec Les Républicains qui avaient déjà soutenu le gouvernement Barnier.
L’Élargissement à Gauche Compromis
Du côté de la gauche, les négociations achoppent. Le Parti socialiste et Europe Écologie-Les Verts, qui étaient prêts à intégrer un « gouvernement de coalition » proposé par Emmanuel Macron en juin, ont durci leurs conditions. Ils exigent désormais un « changement de cap » sur les retraites et l’écologie, inacceptable pour l’exécutif.
Quant à La France insoumise, elle refuse catégoriquement de participer, dénonçant un « enfumage » et une « mascarade ». Son leader Jean-Luc Mélenchon a comparé François Bayrou à Ravaillac, l’assassin d’Henri IV. Une polarisation qui rend l’espoir d’une « union nationale » de plus en plus illusoire.
Le Piège de Matignon
En s’installant à Matignon, François Bayrou espérait se relancer dans la course à l’Élysée. Mais il se retrouve pris au piège d’un poste exposé, avec une marge de manœuvre étroite. Faute d’élargissement, il devra composer avec une majorité relative, soumise au bon vouloir de ses alliés LR. Un paradoxe pour celui qui ambitionnait d’incarner le « dépassement » et le « compromis ».
La position de Bayrou est intenable. Il risque de se retrouver otage des Républicains, sans aucune marge de manœuvre.
Un proche du premier ministre
Pour ne rien arranger, l’autorité du premier ministre est fragilisée par les conditions de sa nomination, en forçant la main au président. De quoi tendre d’emblée les relations entre Matignon et l’Élysée. Emmanuel Macron a d’ailleurs tenu à recadrer son premier ministre dès vendredi, lui intimant de former un gouvernement « cohérent » et « efficace ».
La Dernière Carte de Bayrou
Dos au mur, François Bayrou joue son va-tout ce week-end pour boucler son équipe avant Noël. Selon nos informations, il a multiplié les échanges avec les ténors de la majorité, notamment Édouard Philippe et François Baroin, pour les convaincre d’entrer au gouvernement. Il mise aussi sur des personnalités de la société civile pour donner un nouvel élan.
Mais au sein même de son parti, des voix s’inquiètent d’un « suicide politique ». Beaucoup redoutent que Bayrou ne parvienne pas à imprimer sa marque, prisonnier d’une coalition bancale. Et qu’il n’hypothèque durablement ses chances pour 2028, alors qu’il avait fait de Matignon un tremplin.
Réussir l’union nationale ou sauver ses ambitions présidentielles : François Bayrou joue une partie de poker menteur dont il n’est pas certain de sortir gagnant. Les prochains jours s’annoncent décisifs pour le destin du gouvernement, et de son premier ministre.
