L’eau, ressource vitale mais aussi vulnérable. C’est le constat alarmant dressé par un récent rapport de France Stratégie qui tire la sonnette d’alarme : si rien ne change, la consommation d’eau en France pourrait doubler d’ici 2050, mettant en péril l’équilibre déjà fragile de nos ressources hydriques. Zoom sur un enjeu crucial pour notre avenir à tous.
Un avenir hydrique incertain
Le rapport, commandé à l’automne 2023 par l’ancienne Première ministre Élisabeth Borne, dresse un constat sans appel : en seulement 10 ans, l’eau douce renouvelable disponible en France a diminué de 14%. Un déclin rapide qui s’explique par le changement climatique mais aussi par nos modes de consommation, toujours plus gourmands en eau.
Face à cette situation préoccupante, France Stratégie a élaboré trois scénarios prospectifs pour évaluer l’évolution de la demande en eau à l’horizon 2050 :
- Un scénario tendanciel, qui prolonge les habitudes actuelles sans changement majeur.
- Un scénario « politiques publiques », qui suppose l’application stricte des mesures déjà en place, comme la Stratégie nationale bas carbone.
- Et enfin un scénario « de rupture », le plus ambitieux, qui implique un usage sobre et raisonné de l’eau.
Des projections qui, couplées à différents scénarios de réchauffement climatique, permettent d’anticiper les défis hydrologiques à venir pour sept secteurs clés : élevage, irrigation, énergie, industrie, tertiaire, résidentiel et canaux de navigation.
L’agriculture, première concernée
Principal consommateur d’eau, notamment via l’irrigation, le secteur agricole sera en première ligne face aux bouleversements climatiques à venir. Selon les projections de France Stratégie, une diminution des précipitations couplée à une hausse des températures entrainerait une explosion de la demande en eau pour l’irrigation.
Des besoins exacerbés par l’extension continue des surfaces irriguées, souligne le rapport. Ainsi, même dans le scénario le plus volontariste dit « de rupture », la consommation d’eau liée à l’irrigation bondirait de 40% d’ici 2050. Un défi colossal pour un secteur déjà soumis à de fortes tensions hydriques.
Repenser notre modèle énergétique
Autre secteur énergivore en eau : la production d’électricité, et notamment les centrales nucléaires qui en France représentent près de 70% du mix. Si les prélèvements d’eau par l’industrie pourraient se stabiliser voire baisser à l’avenir avec la fermeture des réacteurs les plus anciens, seul un changement de modèle énergétique permettrait de réduire durablement la pression sur la ressource en eau, selon les auteurs.
Seul le scénario « de rupture », caractérisé par une sobriété énergétique et une part moins importante du nucléaire, entraînerait à la fois une diminution des prélèvements et de la consommation en eau.
Simon Ferrière, co-auteur du rapport France Stratégie
Conflits d’usage en vue
Avec une demande en eau croissante, concentrée sur les périodes estivales où la ressource se fait plus rare, les conflits entre les différents usagers de l’eau risquent de se multiplier à l’avenir, s’inquiète France Stratégie. Agriculture, industrie, particuliers… Les tensions sont déjà palpables dans certaines régions comme en Charente ou dans le Marais poitevin.
Un constat qui appelle des arbitrages politiques forts pour réguler la consommation d’eau et assurer un partage équitable de la ressource. Parmi les leviers identifiés : une meilleure efficacité de l’irrigation agricole, la promotion des pratiques agro-écologiques moins gourmandes en eau ou encore un encadrement du développement des cultures irriguées.
L’eau, grande cause nationale
Face à l’urgence, le gouvernement a fait de la gestion de l’eau une priorité nationale avec le lancement en 2023 d’un Plan Eau pour préserver la ressource. Mais sans un changement profond de nos modes de consommation et de production, les efforts pourraient s’avérer insuffisants pour enrayer la crise hydrique annoncée.
Un constat qui appelle une prise de conscience collective et une mobilisation de tous les acteurs – pouvoirs publics, entreprises, agriculteurs, citoyens – pour inventer un nouveau modèle de gestion de l’eau. Un défi immense, à la hauteur des enjeux vitaux que représente cette ressource essentielle à la vie. L’avenir de l’eau en France est entre nos mains. Il est temps d’agir, avant qu’il ne soit trop tard.