Depuis maintenant dix longues années, le Yémen est plongé dans les affres d’une guerre civile d’une rare violence. Ce conflit dévastateur a fait des centaines de milliers de victimes et engendré l’une des pires crises humanitaires de notre époque. Malgré les appels incessants de la communauté internationale à déposer les armes, la paix semble toujours hors de portée pour ce pays de la péninsule arabique, pourtant vital pour la stabilité régionale.
Un pays déchiré par les rivalités
Pour comprendre les racines de ce drame, il faut remonter à 2014. Cette année-là, les rebelles Houthis, un groupe armé chiite soutenu par l’Iran, prennent le contrôle de la capitale Sanaa et d’une grande partie du nord du pays. Face à cette offensive, le gouvernement yéménite, appuyé par une coalition menée par l’Arabie saoudite, tente de reprendre le contrôle du territoire. Mais malgré une intervention militaire massive, les forces loyalistes ne parviennent pas à déloger les insurgés.
Depuis, le Yémen est comme coupé en deux, avec au nord les rebelles Houthis qui administrent de facto la capitale et les régions septentrionales, et au sud le gouvernement reconnu par la communauté internationale qui tente de s’accrocher au pouvoir. Entre les deux, les combats font rage, plongeant le pays dans le chaos et la désolation.
Des efforts de paix entravés
Face à cette situation intenable, l’ONU multiplie les initiatives pour tenter de ramener la paix. En avril 2022, un cessez-le-feu est finalement conclu sous l’égide des Nations unies, permettant une accalmie des combats. En décembre dernier, les différentes parties prenantes au conflit se sont même engagées dans un processus de paix, laissant entrevoir une lueur d’espoir.
Mais comme le souligne Hans Grundberg, l’envoyé spécial de l’ONU pour le Yémen, ce pays « ne peut pas attendre indéfiniment la paix ». Si les discussions préparatoires se poursuivent, M. Grundberg met en garde contre le risque de « perdre l’élan nécessaire » en l’absence de résultats concrets. Un risque renforcé par les « voix belliqueuses » qui s’élèvent dans la région.
Il y a des voix belliqueuses dans la région et il ne faut pas les suivre, pour rendre possible de régler le conflit.
Hans Grundberg, envoyé spécial de l’ONU pour le Yémen
Les récentes frappes américaines et britanniques contre les Houthis, en réponse à des attaques rebelles visant le trafic maritime au large du Yémen, ont d’ailleurs « considérablement compliqué » les efforts de médiation, selon M. Grundberg. Des développements qui empêchent pour l’heure l’établissement d’une véritable feuille de route pour la paix.
Un lourd tribut humanitaire
Pendant ce temps, c’est la population yéménite qui paie le plus lourd tribut. Selon l’ONU, les deux tiers des 30 millions d’habitants dépendent désormais de l’aide humanitaire pour survivre. La malnutrition fait des ravages, notamment chez les enfants. L’accès à l’eau potable et aux services de base est fortement dégradé. Des millions de personnes ont dû fuir les combats, gonflant les rangs des déplacés.
Une situation désastreuse qui ne peut plus durer, martèle M. Grundberg. Pour lui, le peuple yéménite « attend la paix depuis bien longtemps » et « tout le monde veut que ce conflit se termine ». Mais il faudra pour cela que toutes les parties prenantes fassent preuve de « confiance » et comprennent « la nécessité » d’avancer vers une solution politique.
Un défi immense, alors que les positions semblent pour l’heure irréconciliables et que les intérêts divergents des puissances régionales compliquent la donne. Mais un défi vital, car comme le rappelle l’émissaire onusien, si le Yémen devait replonger dans une « confrontation violente », les « conséquences ne seraient en faveur de personne ». La paix, aussi difficile soit-elle à atteindre, reste la seule option pour éviter un naufrage total de ce pays meurtri.