À quelques jours du grand départ de la 10ème édition du Vendée Globe, l’effervescence monte crescendo sur le port des Sables d’Olonne. Comme l’a confié une source proche de l’organisation, ce ne sont pas moins de 400 000 visiteurs qui ont déjà foulé les pontons depuis l’ouverture du village au public, impatients de découvrir les voiliers high-tech et d’apercevoir les 40 skippers engagés dans cette aventure hors norme.
Un ponton noir de monde pour admirer les stars des mers
Munis de leur bob, de leur appareil photo et de leur carnet d’autographes, des milliers de passionnés attendent patiemment leur tour pour accéder au ponton unique où s’alignent les machines de course. Comme en témoigne un fan de la première heure, l’ambiance est digne d’une grande fête populaire : “C’est comme le Tour de France ! Les gens défilent pour récupérer la casquette d’un sponsor, ils se promènent avec comme avec le bob Cochonou dans les cols des Alpes.”
Au bout du ponton, les marins savourent ces derniers instants de communion avec le public avant de s’élancer pour trois mois de solitude sur les mers du globe. Yannick Bestaven, tenant du titre, apprécie particulièrement ce bain de foule : “Je me suis installé ici avec ma femme et mes chiens pour trois semaines, pour vraiment profiter de ces moments uniques.” Jean Le Cam, charismatique doyen de la course, est assailli par les demandes de selfies. Équipé de sa mini caméra, il prend un malin plaisir à inverser les rôles et à filmer ses admirateurs.
Fascination et proximité : la recette du succès
Pour Éric Bellion, qui s’apprête à prendre le départ de son 2ème Vendée Globe, cette ferveur s’explique par le mélange de fascination et d’identification que suscite la course : “Les gens viennent voir des marins en apparence comme eux, qui vont accomplir un exploit dont ils se sentent eux-mêmes incapables car la mer leur fait peur. On les fascine !”
Qu’importe si la plupart des skippers demeurent des illustres inconnus du grand public, à l’exception des figures historiques comme Desjoyaux ou Gabart. Les stars, ce sont les bateaux, véritables formules 1 des mers à la pointe de la technologie, comme en témoignent les répliques en carton grandeur nature qui trônent à l’entrée du village.
Derniers au revoir avant le grand saut
Au milieu des anonymes se glissent parfois quelques personnalités, venues elles aussi dire au revoir aux navigateurs avant le grand saut. Mais comme le souligne un observateur, les politiques ont compris qu’il valait mieux se faire discrets et laisser les marins profiter de leurs supporters. Le maire des Sables d’Olonne et le Président du Conseil Départemental de Vendée ont délaissé les longues harangues au profit de brèves accolades.
Dans ce joyeux tumulte, les skippers tentent de grappiller quelques instants de quiétude pour se concentrer sur l’essentiel : les ultimes préparatifs de leur bateau et leur condition physique et mentale avant le jour J. Certains s’octroient une petite pause pour répondre aux sollicitations des médias ou discuter avec des proches. “Tu emportes un peu de moi avec toi” glisse une jeune femme émue à Benjamin Ferré, le benjamin de la course, avant une dernière embrassade.
Le calme avant la tempête
Pendant que la foule se presse encore sur les pontons, certains marins ont déjà rejoint leur cockpit pour peaufiner les derniers réglages et savourer un moment de calme avant le coup de canon du départ qui retentira dimanche à 13h02 précises. Un moment hors du temps, comme suspendu entre le rêve et la réalité de ce qui les attend. Dans quelques jours, la houle et les embruns auront remplacé l’odeur de barbe à papa et les cris des enfants.
D’ici là, chaque heure compte pour emmagasiner de l’énergie positive et faire le plein de souvenirs et d’encouragements. Comme l’a joliment résumé Éric Bellion, les marins et les spectateurs nourrissent une fascination réciproque :
Eux viennent chercher du rêve, nous venons chercher de la force pour affronter notre incroyable défi. C’est un échange magnifique.
Un échange qui prendra tout son sens dimanche, quand des milliers de anonymes masse derrière les barrières pour assister en direct au spectacle inouï de ces aventuriers des temps modernes s’élançant vers la ligne d’horizon, avec pour seul objectif de boucler en solitaire et sans assistance ce tour du monde en 3 mois. 40 rêves d’exploit et de dépassement de soi qui deviendront réalité.
Qui pour succéder à Yannick Bestaven ?
Au-delà de l’aventure humaine et sportive, le Vendée Globe est aussi une formidable course à la performance et à l’innovation technologique. Trente ans après la création de l’épreuve, les foilers, ces bateaux volants capables de filer à plus de 30 nœuds, ont révolutionné la donne. Les marins connaissent désormais des pointes de vitesse frôlant les 40 nœuds, de quoi poser un nouveau record sur ce tracé mythique long de 24 000 milles.
Parmi les favoris à la victoire finale, on retrouve bien sûr le tenant du titre Yannick Bestaven, qui repart avec un bateau optimisé. Mais il devra faire face à la concurrence affûtée des Charlie Dalin, Thomas Ruyant et autre Jérémie Beyou, qui comptent bien prendre leur revanche après leurs déboires lors de la dernière édition. Sans oublier les outsiders toujours dangereux comme Samantha Davies ou Kevin Escoffier.
Le suspense est à son comble et les pronostics vont bon train sur les pontons. Une chose est sûre : avec un plateau d’une telle qualité, un nouveau record est plus que jamais envisageable. Les 74 jours d’Armel Le Cléac’h en 2016 pourraient bien être pulvérisés ! Réponse dans trois mois, trois semaines et trois jours, délai théorique pour boucler ce tour du monde en solitaire, sans escale et sans assistance. D’ici là, cap sur le grand large et ses promesses d’exploits, de galères et d’émotions !