En cette fin d’année 1999, alors que la France s’apprête à basculer dans un nouveau millénaire, un fait divers sordide vient ternir l’atmosphère des fêtes. Le 14 décembre, à 3h15 du matin, une macabre découverte est faite à bord du train de nuit reliant Calais à Vintimille. Dans les toilettes du wagon central, gît le corps sans vie de Corinne Caillaux, 36 ans, lardé de quatorze coups de couteau. Un meurtre d’une rare violence qui n’est pas sans rappeler un autre crime survenu deux mois plus tôt dans des circonstances similaires.
La traque d’un tueur insaisissable
Très vite, les enquêteurs font le lien avec l’assassinat d’Isabel Peake, une jeune Britannique de 20 ans retrouvée morte défenestrée sur la voie ferrée Paris-Limoges le 13 octobre. Les témoignages recueillis permettent d’établir un portrait-robot et d’identifier un suspect en la personne de Sid Ahmed Rezala, un Marseillais d’origine algérienne âgé d’à peine 20 ans.
Malgré son jeune âge, Rezala a déjà un casier judiciaire bien fourni. Vols, agressions, viols : la liste des méfaits de celui qui est devenu en quelques jours « l’individu le plus recherché de France » est longue comme le bras. Un profil inquiétant qui pousse les forces de l’ordre à mobiliser d’importants moyens pour tenter de le localiser et l’interpeller.
Une enquête parsemée d’erreurs
Mais le « Tueur des Trains », comme l’a surnommé la presse, semble avoir plus d’un tour dans son sac. A plusieurs reprises, il parvient à échapper aux mailles du filet, profitant notamment des ratés de l’enquête. Car, il faut bien l’admettre, la traque de Sid Ahmed Rezala a été émaillée de bourdes en tout genre.
Parmi les plus retentissantes, on peut citer la gestion calamiteuse du dossier par la police dijonnaise, à qui avait été confiée l’affaire dans un premier temps. Un choix difficilement compréhensible au vu du manque d’expérience et de moyens de ce service local, surtout sur un dossier d’une telle envergure. Résultat : de précieux indices ont été perdus et le suspect a pu prendre le large.
Il est inconcevable que le magistrat instructeur ait confié un dossier si sensible à un service local et non pas au service régional de police judiciaire aux compétences géographiques étendues.
Un capitaine de la brigade criminelle du SRPJ de Marseille
Un bras de fer judiciaire
Autre couac notable : l’interpellation ratée de Rezala en Espagne suite à un vol. Malgré un mandat d’arrêt international émis par la France, les autorités espagnoles ont laissé filer le suspect, soulevant de nombreuses questions sur la coordination des polices européennes.
Il faudra attendre le 11 janvier 2000 pour que Sid Ahmed Rezala soit enfin appréhendé au Portugal. S’ensuit alors un véritable bras de fer judiciaire entre Paris et Lisbonne autour de la question de son extradition. Un imbroglio qui se terminera de façon abrupte et inattendue.
Épilogue tragique et zones d’ombre
Le 28 juin 2000, alors qu’il est incarcéré dans une prison portugaise, Rezala met fin à ses jours en mettant le feu à sa cellule. Un épilogue brutal qui laisse les familles des victimes dans l’incompréhension et la douleur. Des interrogations subsistent également sur le parcours criminel exact de celui qu’on surnommait « le Tueur des Trains ».
Si sa responsabilité est avérée dans les meurtres de Corinne Caillaux et Isabel Peake, ainsi que dans celui d’Émilie Bazin, une étudiante retrouvée étranglée à Amiens, le doute persiste sur son implication dans d’autres affaires non élucidées.
Dans une interview accordée à un journaliste depuis sa cellule et publiée quelques semaines avant son suicide, Rezala était revenu sur ses crimes, évoquant des « flashs » meurtriers. Des confessions glaçantes qui n’auront cependant pas permis de lever toutes les zones d’ombre planant sur cette sinistre affaire.
Près de 25 ans après les faits, le souvenir des crimes du « Tueur des Trains » reste vivace. Au-delà du caractère inhabituel et spectaculaire du mode opératoire, c’est aussi la gestion chaotique de l’enquête qui a marqué les esprits. Une affaire hors norme qui a mis en lumière certaines failles du système policier et judiciaire.