C’est un nouveau rebondissement dans la saga des droits voisins qui oppose les médias français aux géants du numérique. Plusieurs grands noms de la presse hexagonale, emmenés par l’AFP, Le Monde, Le Figaro et Les Échos, ont décidé de porter plainte contre le réseau social X, anciennement connu sous le nom de Twitter. En cause : le refus de la plateforme, rachetée par le milliardaire Elon Musk, de rémunérer les éditeurs pour la reprise de leurs contenus.
Une directive européenne au cœur du litige
Tout a commencé en 2019 avec l’adoption d’une directive européenne instaurant un “droit voisin” au profit des éditeurs et agences de presse. Ce texte impose aux plateformes numériques de verser une compensation financière lorsqu’elles réutilisent des extraits d’articles, photos ou vidéos produits par les médias. Une reconnaissance importante du travail des rédactions, confrontées à une crise structurelle de leur modèle économique.
Mais rapidement, l’application de ces nouvelles règles se heurte à des réticences. Google et Facebook finissent par signer des accords avec une partie de la presse française courant 2021-2022, mais X fait de la résistance. Malgré des mois de négociations et une condamnation à fournir des données sur ses revenus, la plateforme d’Elon Musk refuse toujours de payer. D’où la décision des médias de saisir la justice.
Un procès très attendu
L’AFP a déposé son assignation la semaine dernière devant le tribunal judiciaire de Paris et espère une audience dès mai 2025. De leur côté, les groupes Le Monde, Les Échos-Le Parisien et Le Figaro ont uni leurs forces dans une procédure distincte contre X. Les montants réclamés n’ont pas été dévoilés mais pourraient se chiffrer en millions d’euros compte tenu de l’audience et des pratiques du réseau.
Une condamnation de Twitter dans le cadre de cette nouvelle procédure au fond constituerait une étape supplémentaire dans la mise en œuvre des dispositions légales sur le droit voisin.
Les journaux plaignants
Au-delà de l’enjeu financier, c’est un bras de fer idéologique qui se joue. Fervent supporter de Donald Trump, Elon Musk est régulièrement accusé de laxisme vis-à-vis de la désinformation sur sa plateforme et cultive une posture anti-médias. Une ligne qui tranche avec les efforts récents de Meta ou Google pour apaiser les tensions.
Et Microsoft dans tout ça ?
X n’est pas le seul géant tech dans le viseur des médias français. Microsoft fait lui aussi l’objet d’une action en justice de la part d’une cinquantaine de titres de PQR pour “contrefaçon”. Ouest-France, Ebra et d’autres groupes réclament en effet plusieurs millions d’euros à la firme de Redmond au titre du droit voisin. Comme quoi la guerre n’est pas près de s’arrêter sur ce front.
L’IA, nouveau défi pour la presse
Et alors que cette bataille juridique s’enlise, un nouveau défi de taille se profile à l’horizon pour les médias : l’intelligence artificielle. Avec la montée en puissance de modèles comme GPT, les organes de presse craignent de voir leurs contenus “aspirés” pour entraîner ces IA sans aucune contrepartie. OpenAI, le concepteur de ChatGPT, a d’ailleurs refusé des négociations groupées en septembre dernier.
Entre droit voisin bafoué et risque IA, les relations entre presse et tech n’ont sans doute pas fini de se tendre. Les batailles à venir s’annoncent aussi complexes que déterminantes pour l’avenir du secteur. Affaire à suivre donc, en attendant le procès X qui pourrait faire jurisprudence et redistribuer les cartes. Les révolutions numériques n’ont pas fini de secouer le quatrième pouvoir.