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Le trafic de protoxyde d’azote à Paris échappe aux sanctions

Des trafiquants de protoxyde d'azote, le "gaz hilarant" très prisé des jeunes, ont été relaxés en raison d'un vide juridique malgré la saisie de 4 tonnes de produit. Le parquet fait appel mais les dealers récupèrent leur marchandise pour l'instant. Un poison qui continue de circuler...

Un véritable camouflet pour la justice. Six hommes, âgés de 20 à 25 ans, suspectés d’avoir organisé un juteux trafic de protoxyde d’azote en Île-de-France entre avril et juin 2024, viennent d’être relaxés par le tribunal correctionnel d’Évry dans l’Essonne. Pourtant, lors de leur interpellation, pas moins de quatre tonnes de ce gaz hilarant, très prisé des jeunes pour ses effets euphorisants, avaient été saisies.

28 palettes de “proto” restituées aux trafiquants

Mais en raison d’un vide juridique, non seulement les six prévenus sont ressortis libres du tribunal, mais en plus, la justice a dû ordonner la restitution des 28 palettes de bonbonnes de protoxyde d’azote à ces trafiquants présumés. Une décision qualifiée de “scandaleuse” par un policier proche du dossier :

“C’est scandaleux. Ces hommes se faisaient un maximum d’argent au mépris de la santé de jeunes consommateurs.”

Un enquêteur sous couvert d’anonymat

Le parquet a fait appel de ce jugement, mais en attendant, les trafiquants ont récupéré leur marchandise et peuvent continuer leur business. Car ce business est extrêmement lucratif. Vendu 1 ou 2 euros la capsule aux consommateurs, le protoxyde d’azote, surnommé “proto”, peut rapporter plusieurs milliers d’euros par jour aux dealers.

Usage détourné d’un produit en vente libre

Initialement utilisé en cuisine comme gaz propulseur pour la préparation de crèmes chantilly, ou en milieu médical et vétérinaire pour ses propriétés anesthésiantes, le protoxyde d’azote est en vente libre. Mais son usage récréatif, en inhalant le gaz contenu dans des ballons de baudruche, s’est répandu comme une traînée de poudre chez les jeunes ces dernières années en raison de sa facilité d’accès et de son faible coût.

Séquelles neurologiques gravissimes

Problème, la consommation répétée de “proto” peut avoir des conséquences désastreuses sur la santé : pertes de connaissance, brûlures par le froid, vertiges, mais aussi et surtout lésions neurologiques pouvant conduire à des paralysies irréversibles voire au décès. Depuis plusieurs années, les services d’addictologie voient arriver de plus en plus de jeunes patients gravement intoxiqués.

“Le protoxyde d’azote est devenu un vrai problème de santé publique. On voit de plus en plus de personnes dans nos cabinets qui souffrent d’addiction et de séquelles neurologiques après avoir consommé cette drogue.”

William Lowenstein, addictologue

Un cadre légal insuffisant

Pourtant, la vente et la consommation de protoxyde d’azote ne font l’objet d’aucune régulation pour les majeurs. Seule la vente aux mineurs est passible d’une amende de 3500 euros depuis une loi de mai 2022. Résultat, pour les forces de l’ordre et la justice, il est très compliqué d’agir contre ces trafics, comme le montre le dossier d’Évry.

Les avocats de la défense ont ainsi pu arguer que le protoxyde d’azote saisi n’était pas destiné à un usage médical mais alimentaire, et n’entrait donc pas dans le champ d’application de la loi sur les stupéfiants.

“Les substances inscrites sur les listes des stupéfiants ne concernent que le protoxyde d’azote à usage médical. Or ici, il s’agissait de produit à destination alimentaire.”

Me Margaux Mazier, avocate des prévenus

En l’absence de cadre légal clair, la plupart des procédures aboutissent à des relaxes ou à des peines symboliques. Des propositions de loi sont à l’étude pour renforcer la législation, mais aucune n’a pour l’instant été votée malgré l’urgence de la situation.

En attendant, le trafic de “proto” a encore de beaux jours devant lui, au grand dam des autorités sanitaires qui ne cessent d’alerter sur les ravages de cette drogue chez les jeunes. Un nouveau poison qui vient noircir un peu plus le tableau déjà bien sombre des addictions.

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