Lorsque l’on évoque les trafics illégaux, on pense rarement à celui touchant un petit poisson méconnu : la civelle. Pourtant, ce bébé anguille est au cœur d’un commerce international illicite très lucratif. Vendue jusqu’à 5 000 euros le kilo en Asie, la civelle attire la convoitise des braconniers, mettant en péril la survie de l’espèce. Enquête sur les dessous d’un trafic inquiétant.
La civelle, un met de luxe en Asie
Méconnue du grand public, la civelle est pourtant très prisée sur les tables asiatiques. Ce bébé anguille translucide, mesurant à peine 8 cm, est considéré comme un mets délicat et luxueux en Chine, au Japon ou encore en Corée du Sud. Sur les étals, le kilo de civelles peut s’échanger jusqu’à 5 000 euros, faisant de ce petit poisson l’un des produits de la mer les plus chers au monde.
Cet engouement pour la civelle en Asie s’explique notamment par la raréfaction de l’anguille japonaise, victime de surpêche. Pour répondre à la demande, les réseaux se sont donc tournés vers l’anguille européenne et ses alevins, les fameuses civelles. Un commerce qui met en danger la survie de l’espèce.
Une pêche réglementée, mais un braconnage persistant
Pour tenter d’endiguer ce trafic menaçant l’anguille européenne, la pêche à la civelle est strictement encadrée. En France, elle n’est autorisée que de novembre à mars, principalement en Loire-Atlantique et dans les Landes, uniques lieux de reproduction des anguilles. Les pêcheurs doivent disposer d’une licence et respecter des quotas, mais malgré cette réglementation, le braconnage persiste.
Certains pêcheurs peu scrupuleux n’hésitent pas à utiliser des engins de pêche non-conformes ou à dépasser largement les quotas autorisés. Les civelles ainsi capturées illégalement sont ensuite revendues à prix d’or via des filières clandestines.
Selon une source proche du dossier
Un trafic difficile à enrayer, tant les sommes en jeu sont colossales. On estime que 100 tonnes de civelles européennes seraient exportées illégalement chaque année, pour un chiffre d’affaires de plusieurs centaines de millions d’euros. Face à l’appât du gain, la lutte contre les braconniers s’avère compliquée.
Des conséquences dramatiques pour l’anguille européenne
Ce braconnage intense fait peser une lourde menace sur la population d’anguilles européennes. Déjà considérée comme une espèce en danger critique d’extinction par l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN), l’anguille peine à se renouveler en raison de la surpêche de ses juvéniles.
Car si le trafic de civelles perdure, c’est bien la survie de toute une espèce qui est en jeu. Lorsqu’elles ne finissent pas dans une assiette, les civelles grandissent pour devenir des anguilles adultes, qui repartent un jour en mer pour se reproduire. Mais avec la raréfaction des civelles, le cycle de vie de l’anguille est rompu, précipitant le déclin de l’espèce.
Une lutte à l’échelle internationale
Pour tenter d’endiguer ce fléau, la lutte contre le trafic de civelles se joue désormais à l’échelle planétaire. Europol, l’agence européenne de police criminelle, collabore ainsi étroitement avec les polices asiatiques pour démanteler les réseaux de braconniers et intercepter les cargaisons illégales.
Parallèlement, un travail de sensibilisation est mené auprès des consommateurs asiatiques pour les inciter à boycotter ce met controversé. Car en refusant d’acheter des civelles issues du braconnage, c’est tout un trafic que l’on peut espérer voir s’effondrer.
Mais la route est encore longue. Tant que la demande asiatique perdurera, les trafiquants continueront de piller les précieux bébés anguilles. C’est donc une lutte de longue haleine qui s’engage pour tenter de sauver ce petit poisson si menacé. Un combat crucial pour la biodiversité et l’équilibre de tout un écosystème.