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Le Tchad et le Sénégal Dénoncent les Propos « Méprisants » de Macron sur l’Afrique

Le Tchad et le Sénégal dénoncent fermement les propos "méprisants" d'Emmanuel Macron sur les dirigeants africains. Une nouvelle crise diplomatique en vue entre la France et l'Afrique ? Décryptage d'une situation explosive...

Les propos d’Emmanuel Macron sur l’Afrique et ses dirigeants continuent de faire des vagues et suscitent l’indignation sur le continent. Après ses déclarations lors de la conférence des ambassadeurs lundi dernier, estimant que des chefs d’État africains avaient « oublié de dire merci » à la France pour son intervention militaire au Sahel, le Tchad et le Sénégal montent au créneau pour dénoncer une « attitude méprisante » du président français.

Le Tchad fustige « l’attitude méprisante » de Macron

Dans un communiqué lu à la télévision nationale, le ministre tchadien des Affaires étrangères Abderaman Koulamallah a exprimé la « vive préoccupation » de son gouvernement suite aux propos « qui reflètent une attitude méprisante à l’égard de l’Afrique et des Africains ». Tout en soulignant ne pas avoir « de problèmes avec la France », il a appelé les dirigeants français à « apprendre à respecter le peuple africain ».

Abderaman Koulamallah a également rappelé le « rôle déterminant » joué par l’Afrique et le Tchad lors des deux guerres mondiales pour la libération de la France, un sacrifice « jamais véritablement reconnu ». Selon lui, en 60 ans de présence française, la contribution hexagonale au développement du Tchad est restée « limitée à des intérêts stratégiques propres, sans véritable impact durable pour le peuple tchadien ».

Le Sénégal conteste toute « négociation » sur le retrait français

De son côté, le Premier ministre sénégalais Ousmane Sonko a démenti que le retrait annoncé des soldats français de son pays aurait fait l’objet de négociations entre Paris et Dakar. Il a qualifié de « totalement erronée » l’affirmation selon laquelle ce départ découlerait d’une proposition française.

« Aucune discussion ou négociation n’a eu lieu à ce jour et la décision prise par le Sénégal découle de sa seule volonté, en tant que pays libre, indépendant et souverain. »

– Ousmane Sonko, Premier ministre sénégalais

La fin d’une ère de présence militaire française ?

Ces vives réactions font suite à l’annonce par plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest de la fin de la présence militaire française sur leur sol. Le Mali, le Burkina Faso et récemment le Niger ont tous signifié leur volonté de se passer des soldats français, souvent perçus comme les vestiges d’une époque révolue.

Fin novembre, le Tchad, dernier point d’ancrage de Paris au Sahel, a lui aussi mis un terme aux accords de défense le liant à l’ancienne puissance coloniale. Un millier de soldats français étaient stationnés dans le pays, notamment sur la base de N’Djamena. Leur retrait doit s’achever le 31 janvier, selon la volonté des autorités tchadiennes.

L’aspiration à une « souveraineté pleine et entière »

Pour le président tchadien Mahamat Idriss Déby Itno, au pouvoir depuis 2021, ces accords étaient devenus « complètement obsolètes » face aux « réalités politiques et géostratégiques » actuelles. Le peuple tchadien, a-t-il affirmé, aspire désormais à « une souveraineté pleine et entière, à une véritable indépendance, et à la construction d’un État fort et autonome ».

« Nous invitons nos partenaires, y compris la France, à intégrer cette aspiration légitime dans leur approche des relations avec l’Afrique. »

– Abderaman Koulamallah, ministre tchadien des Affaires étrangères

Les propos d’Emmanuel Macron semblent donc à contre-courant de cette volonté d’émancipation affichée par de plus en plus de pays africains. En estimant que des dirigeants avaient « oublié de dire merci », le président français a heurté la fierté et la sensibilité de tout un continent en quête de reconnaissance et d’égalité dans ses rapports avec l’ancienne métropole.

Un bouleversement géostratégique en cours

Au-delà de la polémique, ces tensions diplomatiques illustrent le bouleversement géostratégique en cours en Afrique de l’Ouest et au Sahel. Longtemps considérée comme le « pré carré » de la France, la région voit l’influence de Paris s’étioler au profit de nouvelles puissances émergentes comme la Chine ou la Russie.

Face à ce nouveau « grand jeu » qui se dessine, la France peine à redéfinir sa place et son rôle. L’interventionnisme militaire, justifié par la lutte contre le terrorisme, apparaît de plus en plus anachronique et contre-productif aux yeux de populations aspirant à prendre en main leur destin.

Les propos maladroits d’Emmanuel Macron risquent donc d’accélérer ce désengagement français, déjà bien entamé, et de tendre encore davantage les relations entre Paris et ses anciennes colonies. Un défi de taille pour la diplomatie française, qui doit repenser en profondeur sa politique africaine si elle ne veut pas se voir marginalisée sur un continent en pleine mutation.

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