Dans un revirement inattendu, le Tchad a demandé à la France de retirer l’intégralité de ses forces militaires stationnées sur son territoire d’ici au 31 janvier, selon des sources proches des deux gouvernements. Cette requête, reçue jeudi soir par Paris, marque un tournant majeur dans la coopération de défense entre les deux pays, en place depuis plus de 60 ans.
Fin novembre, les autorités tchadiennes avaient annoncé mettre un terme à cet accord militaire au nom de la souveraineté nationale, sans pour autant préciser de date butoir. Si le traité prévoit en théorie un délai de six mois pour le désengagement des quelque 1000 soldats français et de leur matériel, Paris comptait initialement procéder à un retrait rapide.
Un défi logistique pour l’armée française
Dès le 10 décembre, deux avions de combat Mirage avaient quitté le Tchad, symbolisant les prémices de ce désengagement. Ces appareils constituaient un soutien aérien crucial, ayant permis à plusieurs reprises de stopper des rebelles tentant de s’emparer du pouvoir. Cependant, un retrait total d’ici fin janvier s’annonce compliqué sur le plan logistique et technique, confie une source gouvernementale.
En effet, la France déployait jusqu’alors près d’un millier de personnels sur trois emprises tchadiennes, dont une majorité au camp Kossei. L’état-major français avait indiqué que les modalités précises du désengagement faisaient l’objet d’une coordination avec N’Djamena, laissant présager un retrait progressif. La demande tchadienne d’un départ accéléré bouleverse donc ce calendrier.
Une décision vue comme un affront par Paris
L’annonce initiale de la rupture de l’accord de défense avait déjà été perçue comme un camouflet par la diplomatie française. Survenue quelques heures seulement après une visite du ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian, elle avait pris Paris de court. La forme – un communiqué publié sur Facebook – avait aussi été jugée peu protocolaire.
Le peuple tchadien aspire à un avenir où la souveraineté nationale est pleinement respectée.
Le ministre des Affaires étrangères tchadien
Pour justifier cette décision, N’Djamena invoque la volonté de consolider sa souveraineté. Le président Mahamat Deby Itno a tenu à préciser qu’il ne s’agissait « en aucun cas d’un rejet de la coopération internationale ni d’une remise en question de [leurs] relations diplomatiques avec la France ». Une manière de tempérer la portée de cette rupture, tout en affirmant les aspirations d’indépendance du Tchad.
Vers une redéfinition des relations franco-tchadiennes ?
Au-delà de l’aspect militaire, ce revirement soulève des questions sur l’évolution future des liens entre Paris et N’Djamena. Ancien territoire colonial, le Tchad est resté un partenaire stratégique de la France en Afrique, malgré des relations parfois tumultueuses. Ce virage souverainiste marque-t-il un désir de rééquilibrer ce partenariat ?
Certains y voient le signe d’une volonté croissante des États africains d’affirmer leur autonomie vis-à-vis de l’ancienne puissance coloniale. La France, engagée militairement au Sahel depuis des années, fait face à une contestation grandissante de sa présence. Le retrait tchadien pourrait encourager d’autres pays à revoir leurs accords de défense.
Reste à savoir comment Paris et N’Djamena gèreront cette transition express. Au-delà des enjeux logistiques, c’est toute une page de la coopération franco-tchadienne qui se tourne, ouvrant une période d’incertitudes. La France devra repenser son dispositif sécuritaire régional, tandis que le Tchad cherchera à asseoir sa souveraineté. Un nouveau chapitre s’ouvre, non sans défis pour les deux partenaires historiques.