Dans un communiqué officiel publié vendredi à N’Djamena, le Tchad a accusé son voisin, le Soudan, de chercher à le « déstabiliser » en finançant et en armant des groupes rebelles sur son territoire. Cette déclaration du ministre tchadien des Affaires étrangères, Abdraman Koulamallah, qui est également le porte-parole du gouvernement, dénonce une « activité subversive qui perdure » de la part du Soudan.
Une rébellion zaghawa au cœur des tensions
Le principal sujet d’inquiétude pour N’Djamena est la présence à El Facher, dans le sud-ouest du Soudan, d’une rébellion zaghawa dirigée par Ousman Dillo. Ce dernier est le frère cadet de l’opposant tchadien Yaya Dillo Djérou, qui a été tué par l’armée tchadienne au printemps dernier. Les autorités tchadiennes craignent que cette rébellion, soutenue par le Soudan, ne cherche à déstabiliser le pays.
Un précédent en 2008
Ce n’est pas la première fois que le Tchad fait face à une menace venant du Soudan. En février 2008, une rébellion de l’ethnie tchadienne zaghawa basée au Soudan avait lancé une offensive éclair au Tchad avec d’autres groupes. Cette attaque avait contraint l’ancien président Idriss Déby Itno (1990-2021) à se réfugier dans son palais présidentiel avant de réussir à repousser les rebelles grâce au soutien décisif de la France.
La dernière rébellion en date, le FACT, est à l’origine de l’incursion qui a coûté la vie à l’ex-président Idriss Déby Itno.
Communiqué officiel du Tchad
Une transition politique tendue
Après la mort d’Idriss Déby Itno, son fils Mahamat Idriss Déby a été proclamé président de transition à la tête d’une junte de 15 généraux en 2021. Il a ensuite été élu chef de l’État cette année. Cependant, la transition politique reste fragile, comme en témoigne le changement de camp d’un de ces officiers, le général Mahamat Nour Abdelkerim. Ce dernier a été reçu avec d’autres chefs rebelles ces derniers mois par les autorités soudanaises, selon Ahmat Yacoub, le président du Centre d’études pour le développement et la prévention de l’extrémisme.
Des accusations mutuelles de déstabilisation
Les tensions entre le Tchad et le Soudan ne sont pas nouvelles, mais elles semblent s’être intensifiées ces derniers mois. « Le Tchad et le Soudan sont désormais en conflit en s’accusant mutuellement de déstabilisation », estime le chercheur Ahmat Yacoub. Fin octobre, N’Djamena avait nié toute implication dans le conflit soudanais, en réponse à de nouvelles accusations sur son rôle actif dans des livraisons d’armes fournies par les Émirats arabes unis aux paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR), qui combattent l’armée régulière soudanaise depuis avril 2023.
Une guerre aux conséquences dramatiques
Le conflit au Soudan a déjà fait des dizaines de milliers de morts, avec des estimations allant de 20 000 à 150 000 victimes, la plupart n’étant pas recensées, selon les médecins. Il a également entraîné le déplacement de plus de 10 millions de personnes, soit un cinquième de la population du pays, dont plus de 3 millions dans les pays voisins. Cette guerre a créé l’une des pires crises humanitaires de mémoire récente, selon les Nations unies.
Quelles perspectives pour la stabilité régionale ?
Face à ces accusations mutuelles de déstabilisation et au vu des conséquences dramatiques de la guerre au Soudan, la communauté internationale s’inquiète pour la stabilité de la région. Le Tchad et le Soudan, deux pays clés de l’Afrique centrale, semblent plus que jamais engagés dans un bras de fer dangereux qui menace la paix et la sécurité de millions de personnes.
Il est urgent que des efforts diplomatiques soient entrepris pour apaiser les tensions et encourager le dialogue entre N’Djamena et Khartoum. La communauté internationale, notamment l’Union africaine et les Nations unies, doit jouer un rôle de médiation pour éviter une escalade des violences et trouver des solutions durables aux différends qui opposent les deux pays.
Seule une approche concertée et inclusive, impliquant toutes les parties prenantes, pourra permettre de sortir de cette crise et de jeter les bases d’une paix durable dans la région. Il en va de la stabilité du Tchad, du Soudan et de toute l’Afrique centrale.