Au cœur d’un Soudan ravagé par la guerre, les médecins mènent un combat acharné pour sauver des vies. Sous les bombes incessantes, dans des hôpitaux en ruines, ils sont devenus les cibles d’un conflit impitoyable qui dure depuis plus d’un an et demi. Une crise humanitaire sans précédent qui met le système de santé à genoux.
Des hôpitaux sous les bombes, un personnel médical en première ligne
D’après une source proche, Mohamed Moussa, généraliste à l’hôpital Al-Nao d’Omdourman, continue de travailler malgré les bombardements. « Les bombardements nous ont insensibilisés », confie-t-il, alors que les coups de feu crépitent et que le sol tremble. Le personnel n’a « pas d’autre choix que de continuer ».
L’hôpital Al-Nao, comme tant d’autres, a été la cible de frappes selon Médecins sans frontières (MSF). On y soigne des blessures par balle à la tête, à la poitrine, des brûlures graves, des os brisés… Même des enfants de 4 mois nécessitent des amputations.
Un système de santé en ruines
Les images satellites sont sans appel : près de la moitié des 87 hôpitaux de l’État de Khartoum ont subi des dommages visibles entre avril 2023 et août 2024. L’OMS a recensé 119 attaques contre des établissements de santé. « Il y a un mépris total pour la protection des civils » dénonce Kyle McNally de MSF, pointant des « destructions généralisées » qui mettent « à bas les services de santé ».
Jusqu’à 90% des établissements médicaux ont dû fermer dans les zones de combat selon le syndicat des médecins soudanais, privant des millions de personnes de soins. Les deux camps sont accusés d’exactions : intrusions des FSR dans les hôpitaux, représailles contre les médecins, frappes aériennes de l’armée… 78 professionnels de santé auraient été tués sur leur lieu de travail ou à leur domicile depuis le début de la guerre.
Les deux camps pensent que le personnel médical coopère avec la faction adverse, ce qui conduit à les prendre pour cible.
– Sayed Mohamed Abdullah, porte-parole du syndicat des médecins soudanais
La famine, autre ennemi mortel
Les médecins doivent aussi faire face à un autre fléau : la famine. Près de 26 millions de Soudanais souffrent de faim aiguë, selon l’ONU. Dans un hôpital pédiatrique d’Omdourman, le Dr Nora Idris témoigne : jusqu’à 40 enfants souffrant de malnutrition sont accueillis chaque jour, beaucoup dans un état critique.
Chaque jour, trois à quatre d’entre eux meurent car leur cas était désespéré ou à cause d’une pénurie de médicaments.
– Dr Nora Idris
Un combat contre la montre pour sauver le système de santé
Face à cette situation catastrophique, l’aide internationale tente de maintenir les structures de santé à flot. « Sans une aide immédiate […], nous craignons une détérioration rapide » alerte Adnan Hezam du CICR. Pourtant, le droit international humanitaire qui protège le personnel médical semble avoir peu de poids au Soudan.
Malgré tout, les médecins soudanais refusent d’abandonner. « Soigner coûte que coûte semble certains jours insupportable mais nous ne pouvons pas nous arrêter » assure le Dr Moussa. Un combat héroïque et désespéré pour sauver un système de santé à l’agonie, au cœur de la pire crise humanitaire au monde.