Dans la région du Tigré, au nord de l’Éthiopie, le système de santé peine à se remettre des ravages de la guerre qui a fait rage de novembre 2020 à novembre 2022. Les hôpitaux et cliniques, pour beaucoup endommagés durant le conflit, manquent cruellement de moyens pour soigner une population exsangue.
Des infrastructures de santé dévastées
Selon une coordinatrice de projets de Médecins Sans Frontières, près de 89% des centres de santé du Tigré ont été endommagés pendant la guerre, et 98% du matériel médical a été pillé ou détruit. À l’hôpital Maiani de Shiraro, le directeur Gebrehiwot Mezgebe constate les dégâts : toitures arrachées, pénuries de médicaments, matériel insuffisant, et onze médecins tués durant les combats.
Pour cet établissement qui dessert plus d’un million de personnes, dont des dizaines de milliers de déplacés, les besoins annuels sont estimés à 100 millions de birrs (environ 770.000 euros). Mais le budget alloué par le gouvernement fédéral ne s’élève qu’à 4 millions de birrs (30.000 euros). Un constat amer partagé par de nombreux hôpitaux de la région.
L’hôpital Ayder, un îlot de résistance à Mekele
À Mekele, la capitale du Tigré, l’hôpital Ayder a réussi à fonctionner tout au long de la guerre malgré les bombardements. Mais aujourd’hui encore, les salles d’attente débordent et les pénuries persistent. Amanuel Asafa, qui travaille au service d’oncologie, raconte avoir dû utiliser des médicaments périmés faute de moyens. Son service, qui accueille 15 à 20 patients par jour, ne compte que deux cancérologues au lieu des sept nécessaires.
“Jusqu’à présent je pouvais m’en procurer en vendant ce que je pouvais trouver, mais je n’ai plus rien aujourd’hui”
– Zemeda Teklay, patiente atteinte d’un cancer de l’intestin
Des patients confrontés au coût exorbitant des soins
Pour les patients, se soigner relève souvent du parcours du combattant. Zemeda Teklay, 28 ans, suivie pour un cancer de l’intestin, peine à trouver les médicaments dont elle a besoin. Chaque traitement lui coûte entre 7000 et 8000 birrs (53 à 60 euros). Une somme considérable dans un pays où plus d’un tiers de la population vit sous le seuil de pauvreté.
La crainte de voir resurgir des maladies
Deux ans après la fin du conflit, plus d’un million de personnes sont toujours déplacées au Tigré selon l’ONU. Entassées dans des camps de fortune, elles sont particulièrement vulnérables aux épidémies comme le choléra ou la polio. Une situation inquiétante alors même que le système de santé, autrefois l’un des plus robustes du pays, tente péniblement de se relever.
“Avant la guerre, le système de santé au Tigré était l’un des plus robustes du pays. Il est en train de se relever, mais est toujours très fragile.”
– Nimrat Kaur, coordinatrice de projets MSF
Le chemin de la reconstruction s’annonce long et ardu pour les structures de santé du Tigré. Le gouvernement éthiopien, affaibli économiquement, a évalué à 20 milliards de dollars le coût de la reconstruction dans la région. Des prêts récemment accordés par la Banque mondiale et le FMI devraient permettre d’avancer. Mais il faudra du temps avant que le système de santé ne retrouve son niveau d’avant-guerre. D’ici là, ce sont les patients qui continueront à payer le prix fort de ce conflit dévastateur.