Imaginez une ville où le bruit des valises à roulettes a remplacé celui des voitures. Où chaque coin de rue est envahi par des foules de vacanciers. Bienvenue en Espagne, où le surtourisme pousse les habitants dans leurs derniers retranchements. « Touristes, rentrez chez vous », « Barcelone n’est pas Disneyland », les slogans chocs fleurissent lors des manifestations anti-tourisme qui se multiplient dans le pays. La colère gronde et la situation devient explosive.
L’Espagne, victime de son succès touristique
L’an dernier, ce sont plus de 85 millions de touristes qui ont afflué en Espagne, faisant du pays la deuxième destination mondiale. Si le secteur représente près de 13% du PIB et des emplois, ce succès a un revers. La pression touristique est devenue insoutenable dans certaines régions comme la Catalogne, les Baléares, les Canaries ou l’Andalousie. Les centres-villes historiques se transforment en parcs d’attraction bondés, les locations touristiques font flamber les loyers, poussant les locaux à partir, et l’identité même des lieux est en péril.
Barcelona, épicentre de la colère anti-tourisme
Avec 18 millions de visiteurs en 2022, la capitale catalane cristallise les tensions. Mi-juillet, une manifestation monstre a réuni près de 3000 personnes sur les Ramblas, artère emblématique de la ville, aux cris de « Barcelona no està en venda » (« Barcelone n’est pas à vendre »). Les associations dénoncent la spéculation immobilière et l’explosion des prix causées par les locations touristiques type Airbnb. La mairie promet de remettre 10 000 logements sur le marché d’ici 2029, mais peine à convaincre.
Nous souffrons tous à un degré ou un autre de la violence touristique. Il n’y a pas de régulation.
Daniel Pardo, assemblée des quartiers de Barcelone
Vers une régulation des locations touristiques ?
Face à la grogne, le gouvernement prépare une loi pour limiter les meublés touristiques. Le texte devrait permettre aux villes d’interdire les locations de courte durée dans certaines zones, afin de préserver le droit au logement. Car si le tourisme est crucial pour l’économie, il ne doit pas se faire au détriment des habitants. Un équilibre est à trouver d’urgence entre l’accueil des visiteurs et le respect de la population locale et de son cadre de vie.
Comme le résume la ministre du Logement : « Si cela affecte le droit des personnes à rester vivre dans leur ville, nous devons intervenir pour réguler ». Mais le temps presse. Cet été, sur les murs de certaines villes espagnoles, les autocollants « Tourist go home » continuent de se multiplier, signe d’un ras-le-bol grandissant. Les pouvoirs publics sauront-ils agir avant que la situation ne dégénère ? L’avenir du tourisme espagnol en dépend.