Alors que l’économie française peine à se relever des effets de la crise sanitaire, un autre fléau gagne silencieusement du terrain : le surendettement. Les derniers chiffres publiés par la Banque de France révèlent une hausse inquiétante de 10,8% des dépôts de dossiers auprès des commissions de surendettement en 2024. Une tendance qui frappe de plein fouet les ménages les plus fragiles.
134 803 dossiers déposés en 2024
Malgré une baisse du taux de chômage, le nombre de dossiers de surendettement continue sa progression en France métropolitaine. Pas moins de 134 803 dossiers ont ainsi été enregistrés l’an dernier par les commissions départementales, soit une augmentation de 10,8% par rapport à 2023. Un chiffre qui reste toutefois inférieur aux niveaux pré-pandémie.
De fortes disparités géographiques
Si en moyenne 245 dossiers ont été déposés pour 100 000 habitants de plus de 15 ans, certains départements sont bien plus touchés que d’autres. L’Aisne arrive en tête avec 459 dossiers pour 100 000 habitants, suivie par le Pas-de-Calais (455) et le Nord (389). À l’inverse, la Lozère, la Haute-Savoie et Paris semblent relativement épargnés.
Le profil type du surendetté
D’après l’enquête typologique 2024 de la Banque de France, les personnes surendettées sont le plus souvent des personnes seules aux revenus modestes. Plus de la moitié (52%) vivent ainsi seules contre 38% dans l’ensemble de la population. Les locataires et hébergés à titre gratuit y sont surreprésentés (88%). Et près de 6 dossiers sur 10 émanent de ménages vivant sous le seuil de pauvreté.
59% des surendettés vivent sous le seuil de pauvreté contre 14% pour l’ensemble des Français
– Banque de France
Les crédits à la consommation pointés du doigt
Principale cause de surendettement identifiée : les crédits à la consommation. Ils sont présents dans 73% des dossiers et représentent près de la moitié (43%) de l’endettement global. Crédits renouvelables, prêts personnels, crédits affectés… autant de facilités de paiement qui peuvent rapidement devenir un piège pour les ménages les plus précaires.
Entre inflation et fin des aides Covid
Comment expliquer cette recrudescence du surendettement dans un contexte de reprise économique ? Pour la Banque de France, il s’agit principalement d’un effet retardé de l’inflation sur le budget des foyers modestes. La flambée des prix, en particulier de l’énergie et de l’alimentation, a mis à mal l’équilibre financier déjà précaire de nombreux ménages.
S’ajoute à cela la fin progressive des aides exceptionnelles mises en place pendant la crise du Covid. Le retour à la normale s’avère difficile pour tous ceux qui avaient pu compter sur ces subsides pour joindre les deux bouts. Face à des ressources qui diminuent et des dépenses qui augmentent, le recours au crédit apparaît souvent comme la seule solution.
Une tendance de fond malgré tout à la baisse
Sur le long terme toutefois, la Banque de France note une tendance à la baisse du surendettement par crédit à la consommation. Elle l’explique notamment par un encadrement plus strict de leur commercialisation et une diminution du chômage au fil des années. Pas sûr cependant que cela suffise à enrayer un mouvement qui pourrait bien s’amplifier dans un avenir proche.
Car si la croissance est de retour, les inégalités continuent de se creuser dans l’Hexagone. Un terreau fertile pour le fléau du surendettement, qui risque de faire encore de nombreuses victimes parmi les plus vulnérables. À moins d’un sursaut politique pour mieux réguler l’accès aux crédits et soutenir le pouvoir d’achat des ménages modestes durablement mis à mal par les crises successives.