C’est un jour décisif pour le Sri Lanka. Les citoyens de l’île de l’océan Indien se rendent aux urnes ce jeudi pour élire leurs députés, deux mois seulement après l’arrivée au pouvoir du premier président de gauche de l’histoire du pays. Anura Kumara Dissanayake, 55 ans, marxiste converti à l’économie de marché, a pris les rênes d’un pays exsangue, épuisé par la pire crise économique qu’il ait jamais traversée et par la sévère cure d’austérité qui a suivi.
Élu en septembre dernier, le nouveau chef de l’État a rapidement dissous le Parlement et convoqué ces élections législatives anticipées. Son objectif : obtenir une majorité parlementaire pour sa coalition de gauche NPP, afin de pouvoir mener à bien les réformes promises durant sa campagne. Des promesses qui lui ont valu un large soutien populaire, comme la baisse des taxes sur les produits de première nécessité et la lutte contre la corruption endémique.
Un scrutin déterminant pour l’avenir du pays
Selon les analystes, le résultat de ce scrutin ne fait guère de doute. La coalition du président devrait largement l’emporter face à une opposition divisée et affaiblie. “L’opposition est morte”, tranche même l’analyste Kusal Perera. Beaucoup d’électeurs fondent de grands espoirs dans ce changement de gouvernance, à l’image de Milton Gankandage, un retraité de 70 ans : “J’espère un nouveau pays, un nouveau gouvernement qui comprend le peuple. Les anciens dirigeants nous ont déçus.”
La délicate équation économique
Malgré ses racines marxistes, le nouveau président a su rassurer les milieux économiques durant sa campagne. Il s’est engagé à ne pas remettre en cause l’accord crucial passé en 2023 avec le FMI, pour tenter de remettre le pays sur les rails après l’effondrement économique de 2022. Une crise sans précédent qui avait contraint le Sri Lanka à faire défaut sur sa dette publique, alors estimée à 46 milliards de dollars.
M. Dissanayake a toutefois exprimé sa volonté de renégocier certaines clauses de cet accord draconien, qui a imposé de douloureuses hausses d’impôts et des coupes dans les dépenses publiques à une population déjà durement éprouvée. Le FMI s’est dit ouvert à discuter d'”approches alternatives”, tout en rappelant la nécessité de poursuivre les efforts engagés.
Fragile embellie et immenses défis
Si une fragile embellie économique semble se dessiner, les défis restent immenses pour redresser durablement le pays et restaurer la confiance de la population. Celle-ci avait massivement manifesté son exaspération en 2022, contraignant l’ancien président Gotabaya Rajapaksa à fuir le pays et à démissionner.
Le nouveau pouvoir devra répondre aux attentes d’une société à bout de souffle, tout en rassurant les créanciers internationaux et les investisseurs. Un délicat exercice d’équilibriste qui nécessitera un soutien politique fort. C’est tout l’enjeu de ces élections législatives, dont les résultats sont attendus dès vendredi. Plus de 80 000 policiers ont été déployés pour assurer le bon déroulement du scrutin, qui mobilise plus de 17 millions d’électeurs.
Le Sri Lanka retient son souffle, suspendu à ce vote qui pourrait ouvrir un nouveau chapitre de son histoire tourmentée. Bien des espoirs reposent sur les épaules de ce président atypique, qui devra faire preuve de doigté pour réconcilier les impératifs économiques et les aspirations d’un peuple meurtri. La tâche s’annonce ardue, mais le changement tant attendu semble enfin à portée de main.