Imaginez un pays où, tous les 4 ou 8 ans, le nouveau dirigeant élu peut totalement chambouler l’administration, plaçant partisans et proches à des postes clés. Bienvenue aux États-Unis et son fameux “Spoils System”, ou “système des dépouilles”, qui donne au président un pouvoir considérable pour récompenser ses alliés et écarter ses opposants au sein de la fonction publique fédérale.
Cette tradition, aussi ancienne que controversée, plonge ses racines dans les premières décennies de la République américaine. Dès 1828, le président Andrew Jackson, se présentant comme le candidat du peuple face à l’élite, inaugure la pratique en effectuant une purge massive dans l’administration pour y placer ses fidèles. Le ton est donné pour les décennies à venir.
Une défiance historique envers les fonctionnaires
Pour comprendre l’enracinement du “Spoils System”, il faut revenir aux origines mêmes des États-Unis. Née d’une révolte contre le pouvoir royal britannique, la jeune nation cultive dès le départ une grande méfiance envers l’autorité gouvernementale et ses serviteurs. Les pères fondateurs, comme Thomas Jefferson, prônent une stricte limitation des pouvoirs de l’État fédéral.
Dans ce contexte, l’idée que des fonctionnaires puissent rester en poste à vie, à l’abri des aléas politiques, semble inconcevable à beaucoup d’Américains. Au contraire, permettre à chaque nouveau président de renouveler l’administration est vu comme un gage de redevabilité démocratique et un rempart contre la bureaucratie.
Le règne d’Andrew Jackson
C’est Andrew Jackson qui, le premier, systématise cette approche. Vainqueur surprise de l’élection de 1828 en surfant sur la vague populiste, il entreprend un véritable coup de balai dans l’administration. Comme le note un journaliste de l’époque, le but est clair : “récompenser ses amis et punir ses ennemis”.
Pendant les deux mandats de Jackson, pas moins de 10% des fonctionnaires fédéraux sont remplacés, un taux inédit pour l’époque. Certains parlent même de “Jacksonisation” de l’administration. La pratique est officiellement baptisée “Spoils System” quelques années plus tard, en référence aux dépouilles (spoils) que les vainqueurs d’une bataille s’attribuaient traditionnellement.
Une tradition solidement ancrée
Malgré des tentatives de réforme au fil des années, notamment après l’assassinat du président Garfield par un aspirant fonctionnaire déçu en 1881, le “Spoils System” perdure. Il faudra attendre le Pendleton Act de 1883 pour qu’un embryon de fonction publique professionnelle et méritocratique voit le jour.
Mais même après cela, la tradition des “dépouilles” ne disparaît pas totalement. Certes, un nombre croissant de postes administratifs échappe progressivement à l’arbitraire présidentiel. Mais les postes de direction, les fameux political appointees, restent largement à la discrétion de la Maison Blanche. On estime qu’aujourd’hui encore, chaque président peut nommer environ 4000 hauts fonctionnaires.
Un outil politique à double tranchant
Pour ses défenseurs, le “Spoils System” reste une composante essentielle de la démocratie américaine. Il permet au président d’appliquer le programme sur lequel il a été élu, en s’entourant d’une équipe en phase avec sa vision. C’est aussi une façon de contrebalancer la toute-puissance des élites administratives non élues.
Le “Spoils System” est à la fois une carotte et un bâton géant dans les mains du président
– Un haut fonctionnaire sous couvert d’anonymat
Mais les critiques pointent les dérives d’un système qui favorise le copinage, l’incompétence et la politisation à outrance de l’appareil d’État. Le mandat de Donald Trump, marqué par des purges d’une ampleur rarement vue, a ravivé le débat. Beaucoup craignent qu’il n’utilise ce levier pour placer des loyalistes prêts à le couvrir en cas de dérive autoritaire.
Un héritage qui interroge la démocratie américaine
Près de deux siècles après Andrew Jackson, le “Spoils System” fait donc toujours débat aux États-Unis. Faut-il y voir un rouage essentiel de la démocratie américaine, permettant aux élus de tenir leurs promesses ? Ou au contraire une dérive dangereuse, sapant le professionnalisme de l’administration et ouvrant la porte aux dérives partisanes ?
Une chose est sûre : ce pouvoir exorbitant confié au président, héritage d’une histoire singulière, continue de fasciner et d’interroger. Il est à la fois le reflet de la méfiance viscérale des Américains envers la bureaucratie, et une épée de Damoclès permanent sur un système politique prompt à basculer dans l’affrontement. L’avenir nous dira s’il peut survivre aux tourments de notre époque.
Dans ce contexte, l’idée que des fonctionnaires puissent rester en poste à vie, à l’abri des aléas politiques, semble inconcevable à beaucoup d’Américains. Au contraire, permettre à chaque nouveau président de renouveler l’administration est vu comme un gage de redevabilité démocratique et un rempart contre la bureaucratie.
Le règne d’Andrew Jackson
C’est Andrew Jackson qui, le premier, systématise cette approche. Vainqueur surprise de l’élection de 1828 en surfant sur la vague populiste, il entreprend un véritable coup de balai dans l’administration. Comme le note un journaliste de l’époque, le but est clair : “récompenser ses amis et punir ses ennemis”.
Pendant les deux mandats de Jackson, pas moins de 10% des fonctionnaires fédéraux sont remplacés, un taux inédit pour l’époque. Certains parlent même de “Jacksonisation” de l’administration. La pratique est officiellement baptisée “Spoils System” quelques années plus tard, en référence aux dépouilles (spoils) que les vainqueurs d’une bataille s’attribuaient traditionnellement.
Une tradition solidement ancrée
Malgré des tentatives de réforme au fil des années, notamment après l’assassinat du président Garfield par un aspirant fonctionnaire déçu en 1881, le “Spoils System” perdure. Il faudra attendre le Pendleton Act de 1883 pour qu’un embryon de fonction publique professionnelle et méritocratique voit le jour.
Mais même après cela, la tradition des “dépouilles” ne disparaît pas totalement. Certes, un nombre croissant de postes administratifs échappe progressivement à l’arbitraire présidentiel. Mais les postes de direction, les fameux political appointees, restent largement à la discrétion de la Maison Blanche. On estime qu’aujourd’hui encore, chaque président peut nommer environ 4000 hauts fonctionnaires.
Un outil politique à double tranchant
Pour ses défenseurs, le “Spoils System” reste une composante essentielle de la démocratie américaine. Il permet au président d’appliquer le programme sur lequel il a été élu, en s’entourant d’une équipe en phase avec sa vision. C’est aussi une façon de contrebalancer la toute-puissance des élites administratives non élues.
Le “Spoils System” est à la fois une carotte et un bâton géant dans les mains du président
– Un haut fonctionnaire sous couvert d’anonymat
Mais les critiques pointent les dérives d’un système qui favorise le copinage, l’incompétence et la politisation à outrance de l’appareil d’État. Le mandat de Donald Trump, marqué par des purges d’une ampleur rarement vue, a ravivé le débat. Beaucoup craignent qu’il n’utilise ce levier pour placer des loyalistes prêts à le couvrir en cas de dérive autoritaire.
Un héritage qui interroge la démocratie américaine
Près de deux siècles après Andrew Jackson, le “Spoils System” fait donc toujours débat aux États-Unis. Faut-il y voir un rouage essentiel de la démocratie américaine, permettant aux élus de tenir leurs promesses ? Ou au contraire une dérive dangereuse, sapant le professionnalisme de l’administration et ouvrant la porte aux dérives partisanes ?
Une chose est sûre : ce pouvoir exorbitant confié au président, héritage d’une histoire singulière, continue de fasciner et d’interroger. Il est à la fois le reflet de la méfiance viscérale des Américains envers la bureaucratie, et une épée de Damoclès permanent sur un système politique prompt à basculer dans l’affrontement. L’avenir nous dira s’il peut survivre aux tourments de notre époque.