C’est une histoire qui avait marqué la campagne présidentielle de 2002. Alors candidat, François Bayrou s’était rendu dans le quartier défavorisé de la Meinau à Strasbourg pour une rencontre avec les habitants. Lors d’un échange tendu, un jeune garçon de 11 ans avait tenté de lui faire les poches. La réaction de Bayrou avait été immédiate : il avait giflé l’enfant. Un geste fort, qui avait suscité de vifs débats à l’époque. Mais 20 ans après, que devient l’enfant giflé ? Son destin est malheureusement bien sombre…
De la gifle à la case prison
Selon des sources proches du dossier, le jeune Yacine G., aujourd’hui âgé de 31 ans, purge actuellement une lourde peine de prison. Condamné en mai 2022 à 10 ans de réclusion pour trafic de drogue, il est décrit comme le chef d’un réseau qui opérait entre les Pays-Bas et l’Alsace. Un destin bien loin des promesses d’intégration et d’ascension sociale.
Pourtant, la gifle de Bayrou aurait pu être un électrochoc, un déclic pour remettre le jeune Yacine dans le droit chemin. Mais force est de constater que cela n’a pas suffi. Dix ans après les faits, en 2012, il était déjà condamné à 4 mois de prison ferme pour outrage et violences sur des policiers. Son casier judiciaire comptait alors déjà 6 condamnations.
Un surnom qui lui colle à la peau
Dans son quartier de la Meinau, Yacine G. était surnommé « Bayrou », en référence à cet épisode marquant de son enfance. Un surnom qui lui aurait collé à la peau et qui, selon son ancien avocat, aurait eu un double effet :
Ça lui donnait un côté sympa, mais ça a aussi attiré la lumière sur lui, y compris de la part des policiers. Pour un délinquant, il vaut mieux ne pas être trop exposé…
Me Thomas Beaugrand, ancien avocat de Yacine G.
Une fuite en avant
Malgré plusieurs tentatives de réinsertion, notamment via des formations, Yacine G. n’a jamais réussi à s’extirper de la délinquance et du trafic de drogue. Son avocat évoque un homme « malin », qui « aurait pu faire autre chose », mais qui s’est laissé happer par une spirale infernale.
Son parcours soulève de nombreuses questions. Sur l’intégration des jeunes issus de l’immigration dans les quartiers défavorisés. Sur l’efficacité des politiques de prévention de la délinquance. Sur le rôle de la prison dans la réinsertion des condamnés. Autant de sujets qui restent d’une brûlante actualité, 20 ans après la gifle de Bayrou.
Un symbole douloureux
Aujourd’hui, alors que François Bayrou accède à la fonction de Premier ministre, le destin de Yacine G. apparaît comme un symbole douloureux. Celui d’une partie de la jeunesse française laissée au bord du chemin. Une jeunesse dont on parle beaucoup en période électorale, mais pour laquelle les actes peinent souvent à suivre les paroles.
L’histoire de la gifle de Bayrou et de ses conséquences, c’est aussi celle d’une France qui peine parfois à faire face à ses contradictions. Un pays tiraillé entre la promesse républicaine d’égalité des chances et la persistance de profondes inégalités sociales et territoriales.
Et maintenant ?
Que peut-on retenir de ce triste épilogue ? Sans doute qu’il est urgent de repenser en profondeur nos politiques d’intégration et de lutte contre les inégalités. Qu’il faut donner de vrais moyens à la justice et aux services sociaux pour accompagner les jeunes en difficulté. Et qu’un simple geste, même involontaire, peut avoir des conséquences tragiques.
Aussi, l’histoire de Yacine G. nous rappelle que derrière chaque fait divers, il y a un être humain avec un parcours de vie complexe. Et qu’il est souvent plus facile de juger que de comprendre. En 2002, François Bayrou voulait donner une leçon à ce jeune garçon qui lui avait fait les poches. Mais la vraie leçon, bien amère, c’est peut-être notre société toute entière qui doit la tirer aujourd’hui…
