Au cœur de la Corne de l’Afrique, une région méconnue attire l’attention : le Somaliland. Cette ancienne colonie britannique a unilatéralement déclaré son indépendance de la Somalie en 1991, alors que le pays sombrait dans le chaos. Aujourd’hui, malgré l’absence de reconnaissance internationale, le Somaliland s’affirme comme un acteur incontournable dans une région sous tension. Élections présidentielles, enjeux diplomatiques, accord crucial avec l’Éthiopie… Plongée dans ce territoire en quête de souveraineté.
Un territoire en marge de la communauté internationale
Depuis sa déclaration d’indépendance il y a plus de 30 ans, le Somaliland peine à se faire une place sur la scène internationale. Aucun pays ne l’a officiellement reconnu comme un État à part entière, le maintenant dans un certain isolement diplomatique et économique. Pourtant, ce territoire de 6 millions d’habitants a su mettre en place ses propres institutions, sa monnaie et même ses passeports, bien que rarement acceptés à l’étranger.
Mais les choses pourraient changer. Récemment, Taïwan, autre entité en quête de reconnaissance, s’est rapproché du Somaliland, le qualifiant même de pays. Une avancée symbolique forte pour les autorités de Hargeisa, la capitale. Quelques États, comme le Kenya et l’Éthiopie, ont aussi ouvert des missions diplomatiques sur place, signe d’un intérêt grandissant pour ce territoire.
Une position stratégique, des enjeux économiques majeurs
Situé sur le Golfe d’Aden, à la frontière avec Djibouti et l’Éthiopie, le Somaliland occupe une position clé dans la région. Une situation géographique qui attise les convoitises, notamment de l’Éthiopie, géant enclavé en quête d’accès à la mer. En janvier dernier, Addis-Abeba a ainsi signé un accord avec le Somaliland pour louer une portion de côte pendant 50 ans.
Un deal gagnant-gagnant ? Pour le Somaliland, c’est l’espoir de voir l’Éthiopie devenir le premier pays à le reconnaître officiellement. Pour Addis-Abeba, c’est l’opportunité de s’ouvrir sur la mer Rouge et de dynamiser son économie. Mais ce rapprochement ne plaît pas à tout le monde. La Somalie y voit une “agression” contre sa souveraineté et a intensifié en réaction ses relations avec l’Égypte et l’Érythrée, rivaux historiques de l’Éthiopie.
Une stabilité fragile sur fond de tensions diplomatiques
Longtemps épargné par la violence et le chaos qui minent la Somalie, le Somaliland fait aujourd’hui face à une résurgence des tensions interclaniques. Début 2023, de violents affrontements entre l’armée et les milices fidèles à Mogadiscio ont éclaté autour de Las Anod, faisant des centaines de morts et des milliers de déplacés.
C’est dans ce contexte tendu que se tient ce mercredi l’élection présidentielle au Somaliland. Un scrutin crucial pour l’avenir de la région, qui pourrait raviver les velléités indépendantistes ou au contraire apaiser les relations avec la Somalie. La communauté internationale, bien que discrète, observe avec attention.
Au-delà des enjeux géopolitiques, un patrimoine à préserver
Le Somaliland ne se résume pas à ses tensions diplomatiques et à sa quête de reconnaissance. C’est aussi une terre de contrastes, entre hauts plateaux accidentés, déserts arides et plaines côtières. Un territoire riche d’un patrimoine unique, à l’image des peintures rupestres de Las Geel, parmi les plus anciennes et les mieux préservées d’Afrique.
Mais ce fragile équilibre est menacé. Comme une grande partie de la Corne de l’Afrique, le Somaliland est l’une des régions les plus vulnérables au changement climatique. Inondations et sécheresses extrêmes s’enchaînent, mettant en péril les populations et leur mode de vie ancestral, principalement basé sur l’élevage.
Entre enjeux géostratégiques, quête de souveraineté et défis environnementaux, le Somaliland est à la croisée des chemins. L’élection présidentielle de ce mercredi pourrait marquer un tournant décisif pour cette région méconnue mais ô combien stratégique de la Corne de l’Afrique. Une chose est sûre : le monde aura les yeux rivés sur Hargeisa.