Imaginez un écrivain, français par son talent et sa plume, emprisonné depuis six mois dans une cellule algérienne. Son crime ? Avoir aimé la France tout en chérissant son Algérie natale. Boualem Sansal, figure littéraire de renom, est aujourd’hui un otage, non pas d’une guerre, mais d’un régime autoritaire qui musèle les voix libres. Pourtant, en France, son nom résonne à peine, étouffé par un silence médiatique et politique troublant. Pourquoi ce mutisme ? Est-ce la peur, la culpabilité, ou un malaise plus profond, ancré dans une forme de masochisme culturel ? Cet article explore les raisons de cette indifférence, ses racines historiques et ses conséquences sur la société française et ses relations avec l’Algérie.
Un Écrivain Otage : Le Cas Boualem Sansal
Boualem Sansal n’est pas un inconnu. Auteur de romans acclamés, il incarne un pont entre deux cultures, française et algérienne, à travers une plume qui célèbre la liberté et questionne les dérives du pouvoir. Mais depuis plus de six mois, il est retenu en Algérie, victime, selon ses soutiens, de son amour pour la France et de ses critiques envers le régime d’Alger. Privé d’un avocat de son choix – notamment parce que celui-ci est juif – Sansal est confronté à une justice qui, selon certains observateurs, n’a de justice que le nom.
Ce silence autour de son sort est d’autant plus choquant que Sansal n’est pas seulement un écrivain algérien : il est aussi français. Pourtant, lors d’une récente interview télévisée de trois heures, le président français n’a pas mentionné son nom. Ce mutisme, loin d’être anodin, révèle une réticence à affronter un régime autoritaire, mais aussi une forme de culpabilité historique qui paralyse la France.
Les Racines d’un Malaise : La Repentance Française
Pourquoi la France semble-t-elle hésiter à défendre l’un des siens ? Une partie de la réponse réside dans un phénomène que certains qualifient de masochisme français. Depuis des décennies, la France vit sous l’ombre d’une culpabilité liée à son passé colonial, particulièrement en Algérie. Cette repentance, exacerbée par des déclarations politiques, comme celles d’un ancien candidat présidentiel en 2017 accusant la France de crimes contre l’humanité, a façonné une posture d’autocritique parfois excessive.
En 2021, un rapport commandé à un historien connu pour sa vision unilatérale des responsabilités françaises dans la colonisation a renforcé cette tendance. Ce document, loin de chercher un équilibre entre les torts des deux parties, a omis des épisodes sombres comme le massacre d’Oran en 1962, où chrétiens et juifs furent tués après l’indépendance. Cette omission n’est pas neutre : elle reflète une volonté de ne pas froisser, au détriment d’une vérité historique plus nuancée.
« La France politique s’autocensure par complexe, tandis que l’Algérie profite de cette faiblesse pour imposer son récit. »
Un Silence Médiatique Éloquent
Le silence ne se limite pas à la sphère politique. Les médias, notamment ceux du service public, brillent par leur discrétion sur l’affaire Sansal. Rares sont les émissions ou les articles qui évoquent son sort avec l’urgence qu’il mérite. Un exemple frappant : une émission télévisée diffusée peu après son arrestation a vu Sansal faiblement défendu, voire dénigré, sans qu’il puisse répondre. Ce traitement contraste avec l’attention médiatique portée à d’autres affaires, comme celle d’un autre écrivain algérien poursuivi pour une œuvre de fiction.
Ce déséquilibre médiatique n’est pas anodin. Il reflète une hiérarchie implicite des causes jugées « dignes » d’intérêt. Pourquoi un écrivain emprisonné suscite-t-il moins de compassion qu’une plainte individuelle ? La réponse pourrait tenir dans une forme de wokisme, où certaines victimes sont privilégiées en fonction de récits idéologiques. Cette sélectivité médiatique alimente l’idée que la France, par peur de raviver des tensions, préfère taire certaines vérités.
Repères : Les Silences Médiatiques
- Absence de couverture : Peu d’émissions publiques consacrent du temps à l’affaire Sansal.
- Traitement biaisé : Certaines affaires judiciaires mineures éclipsent les cas graves.
- Autocensure : La peur de froisser certaines sensibilités guide les choix éditoriaux.
Une Justice Algérienne sous Scrutins
En Algérie, la situation de Sansal met en lumière une justice aux ordres d’un régime autoritaire. L’écrivain est privé d’un avocat de son choix, un droit fondamental bafoué sous des prétextes discriminatoires. Parallèlement, la France a récemment rejeté une demande d’extradition d’un responsable kabyle, jugée infondée et basée sur des accusations fallacieuses. Ce verdict, prononcé par une cour française, souligne l’absence d’indépendance du système judiciaire algérien.
Ce contraste entre les deux justices révèle une réalité plus large : l’Algérie instrumentalise son système judiciaire pour museler les voix dissidentes, qu’il s’agisse d’écrivains comme Sansal ou de militants kabyles. Pourtant, en France, ces affaires peinent à mobiliser l’opinion, comme si le sort des opprimés en Algérie était secondaire.
Le Poids du Passé : Une Mémoire Déséquilibrée
La relation entre la France et l’Algérie est marquée par une mémoire historique à double vitesse. D’un côté, la France s’autoflagelle pour son passé colonial, comme en témoigne la loi Taubira de 2001, qui reconnaît la traite transatlantique comme un crime contre l’humanité, mais omet la traite barbaresque, pourtant responsable de l’esclavage d’un million de Français. Cette omission, justifiée par la volonté de ne pas « blesser » certaines communautés, illustre une hiérarchie des souffrances où certaines victimes semblent moins légitimes.
Ce déséquilibre alimente un ressentiment en Algérie, où le régime exploite la culpabilité française pour détourner l’attention de ses propres échecs. En entretenant une culture de l’excuse, l’Algérie se prive d’une introspection nécessaire à son développement, tandis que la France, par son silence, cautionne indirectement cette dynamique.
« C’est rendre à l’Algérie le pire des services que de la maintenir dans un ressentiment obsessionnel. »
Le Rôle du Wokisme dans l’Autocensure
Le silence autour de Sansal ne peut être pleinement compris sans évoquer le wokisme, cette idéologie qui, sous couvert de justice sociale, impose une grille de lecture manichéenne. En France, certains milieux, notamment à l’extrême gauche, semblent réticents à critiquer le régime algérien, par peur d’être accusés de racisme ou d’islamophobie. Ce paradoxe est frappant : les défenseurs autoproclamés de la liberté soutiennent parfois, par leur silence, des régimes oppressifs.
Ce phénomène n’est pas nouveau. Historiquement, les promoteurs des discours anti-occidentaux les plus virulents ont souvent été des Occidentaux eux-mêmes, mus par une forme d’autoflagellation. Ce masochisme idéologique conduit à une autocensure qui nuit non seulement à la France, mais aussi à ceux, comme Sansal, qui paient le prix de leur liberté d’expression.
Problème | Conséquence |
---|---|
Silence médiatique | Invisibilisation des victimes comme Sansal |
Repentance excessive | Autocensure et paralysie diplomatique |
Wokisme | Hiérarchie implicite des causes défendues |
Vers une Prise de Conscience ?
Face à ce silence, des voix s’élèvent. Des comités de soutien, des parlementaires et même les filles de Sansal ont appelé à une mobilisation pour sa libération. Une proposition audacieuse a émergé : nommer Sansal ambassadeur de la francophonie, ce qui lui offrirait une protection diplomatique. Cette idée, bien que symbolique, pourrait forcer la France à sortir de sa réserve.
Pourtant, la prudence de la diplomatie française, marquée par huit mois de crise avec l’Algérie, semble l’emporter. Cette frilosité, qualifiée par certains d’improductive, contraste avec l’urgence d’agir pour un homme dont le seul tort est d’avoir écrit avec courage. La France doit-elle continuer à s’autocensurer, ou est-il temps de revendiquer une défense ferme de ses valeurs ?
Un Enjeu Plus Large : La Liberté d’Expression
L’affaire Sansal dépasse le cadre d’un simple emprisonnement. Elle interroge la capacité de la France à défendre la liberté d’expression, un pilier de sa démocratie. En laissant Sansal dans l’ombre, la France risque de céder du terrain face aux régimes autoritaires qui cherchent à museler les intellectuels. Cette passivité pourrait avoir des répercussions bien au-delà des frontières algériennes.
En outre, le silence français envoie un message inquiétant aux autres écrivains, militants ou citoyens qui osent défier les dictatures. Si un pays comme la France, patrie des droits humains, hésite à soutenir ses propres citoyens, comment espérer une mobilisation internationale pour les opprimés ?
Que Faire pour Soutenir Sansal ?
- Mobilisation citoyenne : Participer aux campagnes de soutien et signer les pétitions.
- Pression diplomatique : Exiger une position claire de la France.
- Visibilité médiatique : Partager son histoire pour briser le silence.
Conclusion : Briser le Silence
Le cas de Boualem Sansal est un miroir tendu à la France. Il révèle les failles d’une société qui, par peur de raviver des blessures historiques, préfère se taire face à l’injustice. Ce masochisme français, loin de réparer le passé, fragilise le présent et compromet l’avenir. En soutenant Sansal, la France pourrait non seulement sauver un homme, mais aussi réaffirmer ses valeurs de liberté et de justice.
Il est temps de poser une question essentielle : combien de temps la France continuera-t-elle à s’autocensurer face à l’oppression ? La réponse, si elle vient, pourrait redéfinir non seulement les relations franco-algériennes, mais aussi l’identité d’une nation qui se veut porteuse des droits humains. Pour Boualem Sansal, et pour tous ceux qui croient en la liberté, le silence doit cesser.