En ce dimanche de décembre, le Sénégal vit un moment historique. 80 ans après les faits, le pays commémore avec une ampleur inédite le massacre de dizaines de tirailleurs africains par les forces coloniales françaises à Thiaroye, près de Dakar. Un évènement longtemps occulté qui marque un tournant dans la mémoire africaine et les relations post-coloniales.
Un hommage international pour une tragédie longtemps tue
Le 1er décembre 1944, les forces coloniales françaises ouvrent le feu sur des tirailleurs africains réclamant leurs arriérés de soldes au camp militaire de Thiaroye. Ces soldats, issus de toute l’Afrique occidentale française, venaient de combattre pour la France en Europe pendant la Seconde Guerre mondiale.
Si les autorités françaises de l’époque ont admis la mort d’au moins 35 personnes, de nombreux historiens avancent un bilan bien plus lourd, jusqu’à 400 victimes. Pendant des décennies, un voile de silence a recouvert ce drame.
Mais en ce 80ème anniversaire, le Sénégal a décidé de briser ce tabou. Le président Bassirou Diomaye Faye, élu en mars sur des promesses de rupture et de souveraineté, a donné à cette commémoration une dimension inédite. Aux côtés de plusieurs chefs d’État africains et du ministre français des Affaires étrangères, il a rendu un vibrant hommage aux victimes au cimetière de Thiaroye.
La France reconnaît enfin un « massacre »
Pour la première fois, la France a officiellement qualifié les évènements de Thiaroye de « massacre ». Le président Emmanuel Macron l’a reconnu cette semaine, une avancée majeure après des décennies de non-dits.
Jamais l’anniversaire de Thiaroye n’avait été commémoré avec autant d’ampleur.
Bassirou Diomaye Faye, Président du Sénégal
Malgré cette reconnaissance, de nombreuses zones d’ombre subsistent sur les circonstances exactes du drame, le nombre de victimes et le lieu de leur inhumation. Des accusations de dissimulation et de manipulation des archives par la France refont surface.
Vers une « relation rénovée » avec la France ?
Pour le président sénégalais, cette commémoration est un pas vers une nouvelle relation « rénovée » avec l’ancienne puissance coloniale, basée sur la vérité historique. Un partenariat qui ne peut se construire que dans « l’exhaustivité de la vérité » selon lui.
Mais cette volonté de tourner la page va de pair avec des décisions fortes, comme l’annonce de la fermeture prochaine des bases militaires françaises au Sénégal. Un geste symbolique fort.
Thiaroye, un symbole pour toute l’Afrique
Au-delà du Sénégal, Thiaroye résonne dans toute l’Afrique comme le symbole des souffrances endurées pendant la colonisation et des luttes pour la liberté. Cette commémoration se veut porteuse d’une mémoire africaine commune.
La présence de nombreux chefs d’État du continent témoigne de cette volonté de se réapproprier l’histoire et de panser ensemble les plaies du passé. Un passé qui ne doit pas être oublié pour construire l’avenir.
Des questions encore sans réponses
Si cette commémoration marque un tournant, elle soulève aussi de nombreuses interrogations. Combien de tirailleurs ont réellement perdu la vie ce 1er décembre 1944 ? Où reposent leurs corps ? Que contiennent les archives françaises sur cette sombre page de l’histoire ?
Autant de questions qui appellent à un travail de mémoire approfondi et à une coopération sincère entre le Sénégal et la France. Le chemin vers la vérité et la réconciliation est encore long, mais la volonté semble là.
Un devoir de mémoire pour les générations futures
Au-delà des relations diplomatiques, c’est aussi un devoir de mémoire qui s’exprime à travers cette commémoration. Un devoir envers ces tirailleurs tombés sous les balles françaises après avoir combattu pour la France.
Nous devons à nos ancêtres et aux générations futures de faire toute la lumière sur cette tragédie.
Une source proche de la présidence sénégalaise
Car au-delà de la reconnaissance des faits, c’est tout un pan de l’histoire africaine qui demande à être écrit. Pour que le sacrifice de ces hommes ne soit jamais oublié et que leurs noms résonnent pour toujours dans la mémoire collective.
La commémoration de Thiaroye ouvre ainsi un nouveau chapitre dans l’écriture de l’histoire africaine et des relations post-coloniales. Un chapitre qui reste à écrire, dans la vérité, le respect et la dignité retrouvée.