La question de l’accès aux soins pour les étrangers en situation irrégulière en France est revenue sur le devant de la scène avec un vote controversé du Sénat. Lundi, les sénateurs ont en effet adopté une mesure réduisant de 200 millions d’euros le budget alloué à l’Aide Médicale d’État (AME). Cette décision, soutenue par le gouvernement de centre droit, soulève de vives réactions et interrogations quant à ses conséquences.
L’AME, Un Dispositif Essentiel Mais Contesté
L’Aide Médicale d’État permet aux ressortissants étrangers présents sur le territoire français sans titre de séjour régulier de bénéficier d’une couverture médicale. Ce dispositif, qui représentait un budget de 1,3 milliard d’euros en 2024, est depuis longtemps dans le viseur de certains élus de droite et d’extrême droite qui y voient un système coûteux et susceptible de favoriser une immigration médicale.
Face à ces critiques, les défenseurs de l’AME soulignent son rôle essentiel dans la protection de la santé publique. Ils pointent également le fait que seule une partie des personnes éligibles y ont effectivement recours. Selon une étude de l’Irdes, l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé, seuls 51% des bénéficiaires potentiels utilisent l’AME.
Un Vote Qui Divise
Malgré l’opposition de la gauche, les sénateurs de droite et du centre, soutenus par le gouvernement, ont fait adopter une réduction du budget de l’AME de 200 millions d’euros. Une décision justifiée par la volonté de « juguler une dépense qui ne cesse de croître chaque année » selon la sénatrice LR Marie-Do Aeschlimann.
Cette mesure ne prévoit pas pour l’instant de réduction du périmètre des soins couverts, une demande récurrente de la droite dure. Elle conditionne en revanche la prise en charge de certaines prestations « non-urgentes » à un accord préalable systématique de l’Assurance maladie. De quoi faire craindre à certains une limitation de fait de l’accès aux soins.
En détricotant l’AME, vous portez atteinte aux valeurs des soignants et vous portez atteinte à la valeur fraternité du pays.
Bernard Jomier, sénateur socialiste
Quels Impacts Sur la Santé Des Plus Précaires ?
Au-delà des débats politiques, cette décision interroge quant à ses conséquences concrètes sur la santé des personnes concernées. Parmi elles figurent des publics particulièrement vulnérables comme les femmes enceintes, les enfants ou encore les demandeurs d’asile en attente de régularisation.
Des associations de défense des étrangers et de lutte contre l’exclusion redoutent un recul de l’accès aux soins, avec des retards de prise en charge pouvant avoir de lourdes conséquences sanitaires. Ils craignent aussi que cette mesure n’accentue le renoncement aux soins déjà observé chez une partie des bénéficiaires potentiels, par peur ou méconnaissance de leurs droits.
Des Questions En Suspens
Plusieurs points restent en suspens concernant l’application concrète de cette réduction budgétaire. Comment seront déterminées les prestations « non-urgentes » devant faire l’objet d’un accord préalable ? Quels seront les délais et les modalités d’obtention de ces accords ? Comment s’assurer que les personnes ne renoncent pas à des soins nécessaires ?
Autant de questions auxquelles le gouvernement et l’assurance maladie devront rapidement apporter des réponses. Car derrière les enjeux financiers et les postures politiques, c’est bien de la santé de milliers de personnes parmi les plus fragiles dont il est question. Loin d’être anecdotique, l’enjeu de l’accès aux soins des étrangers précaires est celui d’une société qui prétend ne laisser personne sur le bord du chemin.